La section militaire dont il est question ici, ce n'est pas la 317ème pendant la Guerre d'Indochine du côté de chez Schoendoerffer (film de 1965), avec Jacques Perrin et Bruno Cremer recevant un ordre de repli. C'est la 359ème (le titre original russe signifie littéralement "Et les aurores ici sont calmes"), pendant la Seconde Guerre mondiale du côté russe, une unité combattante un peu particulière car exclusivement composée de femmes. Dans ce film soviétique dont la composante propagandiste sait se faire discrète (et même critique, à de rares occasions), tout gravite autour d'un peloton féminin actif au sein d'un détachement russe affecté à la défense anti-aérienne, à la lisière de la taïga, et plus particulièrement autour de 5 d'entre elles au cours d'une mission en apparence simple (retrouver et neutraliser 2 éclaireurs allemands) qui se révèlera bien plus problématique.


La 359ème Section, à une introduction près s'intéressant au cadre d'un petit camp miliaire, se compose essentiellement d'une balade en forêt dans laquelle les traqueurs deviendront les traqués. Ce petit groupe de femmes et leur commandant, après avoir traversé un marécage parmi les plus dangereux que compte le cinéma, se retrouvera piégé, au pied du mur, devant un constat tragique : face à eux, ce ne sont pas 2 mais une petite vingtaine de soldats ennemis qui se dirige inexorablement dans leur direction. Et Stanislav Rostotski s'engage alors dans une longue phase exploratoire de cette taïga sibérienne, sur une durée totale d'environ 3 heures, en résonance avec La Lettre inachevée de Mikhail Kalatozov dans une optique beaucoup moins prométhéenne, les obstacles provenant bien plus de la patrouille nazie que de la nature elle-même.


En seulement quelques séquences, le portrait de ce petit groupe féminin est exécuté avec une éloquence folle, lorsqu'elles partagent des moments d'intimité à l'intérieur des habitations mais aussi quand elles s'affairent autour du canon antiaérien, avec les douilles énormes qui sautent dans tous les sens en tentant d'abattre un Messerschmitt. Le ressenti n'est pas du tout le même lorsque l'une d'entre elles décide d'abattre le pilote de l'avion dans sa descente en parachute, après éjection. Le noir et blanc est d'une beauté saisissante pour saisir ce moment en clair-obscur, et il se sera tout autant pour suivre le parcours du petit groupe en forêt, dans la deuxième longue partie du film structurée comme un cache-cache meurtrier entrecoupé de brèves séquences de flashbacks plus ou moins oniriques en couleur.


Un groupe très singulier, bien au-delà du seul fait qu'il s'agit de femmes combattantes : l'homme qui les commande au cours de leur mission dangereuse ne correspond pas non plus à un canon militaire, musculeux et viril. C'est au contraire une figure très paternelle, qui prend soin de ses soldates en bon père de famille. Dans la description de ces soldats pleins de volonté et d'ardeur au combat, on reconnaît la propagande sous-jacente, mais le regard est très clairement détourné vers l'intensité de l'action et sur l'étau en train de se resserrer. Et lorsqu'on entend à la radio un message d'information stipulant que tout est calme sur la ligne de front, si ce n'est "quelques combats d'intérêt local", après tout ce à travers quoi les protagonistes sont passés, l'ironie de la situation explose au visage de tout son contraste.


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le 8 juin 2021

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Morrinson

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