Dans la toute dernière des six histoires que propose le film, un trappeur et un Français emportés par une diligence rivalisent de bavardages, assommant les autres passagers d'un flot ininterrompu de paroles absconses. Dans ce huis-clos, la caméra circule, à la manière de Tarantino dans les 8 Salopards, d'un personnage à l'autre au fur et à mesure que s'installe une atmosphère fantastique. C'est indéniablement brillant et maitrisé mais presque trop intellectualisé et finalement plus plombant qu'autre chose. Tout le film des frères Coen se résume à cette impression.
On peut reconnaitre aux deux réalisateurs d'avoir réussi une série de très beaux tableaux tout droit sortis d'un livre d'images mais le constat est là : les images sont certes belles mais on s'ennuie dans cette longue très longue ballade de Buster Scruggs.
La faute aux personnages, principalement.
Pourtant, d'un récit à l'autre, les frères Coen ne manquent pas de nous proposer des figures originales sauf qu'on ne s'attache jamais vraiment à eux de sorte que leur destin se referme sans jamais que pointe de véritable émotion.
Ainsi de ce roi de la gâchette et de la guitare qui ouvre le film. Il flingue un type, puis trois, puis quatre, en plombe un autre. Puis vient son tour. O.K. Ainsi de ce braqueur de banque aussi beau gosse qu'empoté dont on se fiche pas mal qu'on lui passe les cordes au cou. Ainsi de cet homme-tronc qu'on n'en finit pas de voir jouer sa partition théâtrale mais dont ne saura finalement rien si ce n'est qu'il était sans doute mal accompagné puisque son collègue de route pourtant dévoué tranchera à sa manière : " à poule le fric". Hum. Ainsi du chercheur d'or dont la persévérance force l'admiration mais que l'absence d'enjeu dans cette histoire rend finalement bien creux malgré un Tom Waits plutôt mal employé. Ainsi de la midinette et de son cow-boy lover dont les délayages sentimentaux nous font presque envier qu'une attaque de Comanches façon "Hostiles" (c'est-à-dire avec des Comanches cons comme des manches) y mette fin. Dont acte. Et enfin de ces quatre ennuyeux passagers qu'on abandonne sans regret à leur mystérieux destin.
On est très loin de la force de caractère des personnages de Ford, du mutisme fascinant des tueurs de Sergio Leone ou de l'empathie toute simple que suscitaient les cow-boys taciturnes de Sam Peckinpah ou Boeticher. Et se dire qu'on n'est pas tout à fait dans un western mais dans une parodie (ou une relecture) de celui-ci n'y change pas grand chose.
Un joli livre d'images et quelques belles idées de mise en scène pour un ensemble brillant mais froid.
6/10
(L'homme à la guitare : 4/10 ; Le braqueur : 6/10 ; L'homme-tronc : 5/10 ; Le chercheur d'or : 7/10 ; Le convoi : 7/10 ; La diligence : 4/10 )