Le Moyen Âge flamboyant

Conte populaire, La Belle au bois dormant est devenu célèbre sous la plume de Charles Perrault et des frères Grimm. Les studios Disney décidèrent de l’adapter en long-métrage d’animation : le projet est présenté comme le plus ambitieux porté jusque-là par la firme américaine. Pour preuve, jamais un dessin animé n’avait coûté autant d’argent.

Et le résultat se vit tout de suite : depuis Pinocchio, on n'avait pas vu tant d'éclat à l'écran. La Belle au bois dormant est magnifique et rend un vibrant hommage à l'époque médiévale. Les images sont très colorisées, avec beaucoup de détails. L'aspect artistique est vraiment travaillé : les graphistes se sont inspirés des enluminures du célèbre manuscrit Les Très Riches Heures du duc de Berry. Le ton est gothique, avec des formes élancées (tours, arbres), et un aspect géométrique marqué (le manteau de Maléfique, les décors naturels).

La Belle au bois dormant est aussi une claque visuelle au niveau des personnages. Rarement des êtes humains n'auront paru aussi réalistes dans un dessin animé. On est loin des designs actuels, avec des visages disproportionnés et des rondeurs partout.

Je ne reviendrai pas sur l'histoire, archi-connue. Elle fait partie de ces contes que j'affectionne particulièrement, grâce au ton sombre et au danger qui pèse tout au long. Maléfique incarne une sorcière puissante et diabolique, prête à tout pour parvenir à ses fins. On sent la menace de la malédiction planer jusqu'à ce qu'elle se produise. Cela produit une certaine tension, car on s'attend à ce que le pire arrive. Quand on y pense, on se dit qu'en d'autres circonstances Aurore (ou Rose) aurait pu tout à fait éviter le piège.

Tout l'affrontement entre d'un côté le prince Philippe et les fées, et de l'autre Maléfique et ses sbires, est la partie que j'ai préférée. Avec comme point culminant le combat contre le dragon. On en redemanderait !

Néanmoins, La Belle au bois dormant n'est pas exempt de défauts. Aurore est une princesse assez banale, sans caractère, qui se laisse porter par l'histoire sans l'influencer. On pourrait dire la même chose du prince charmant : il est surtout passif, et il n'aurait rien pu faire sans l'aide des fées dans son combat contre Maléfique. D'ailleurs, il semble perdre la parole lorsqu'il ne s'adresse pas à quelqu'un qu'il connait (Aurore, son père ou le cheval).

Tout le problème est là : la malédiction, comme sa résolution, sont inévitables. Les personnages ne peuvent rien y faire, ils ne sont que des marionnettes tiraillées par leur destin. Seules font exceptions les trois fées et Maléfique : elles incarnent le côté fantastique du dessin animé, et ce sont elles qui agissent. Quant aux autres personnages, ils n'ont que peu d'intérêt. On peut aussi reprocher au dessin animé sa bande musicale, qui use et abuse de son thème principal sans proposer grand-chose d'autre. Enfin, l'humour est relativement absent.

Magnifique visuellement, La Belle au bois dormant pêche dans son exécution, proposant une histoire certes intéressante à suivre, mais qui n'offre rien de sensationnel. Malgré tout, on retiendra la prouesse technique que constitua ce vingtième long-métrage d'animation des studios Disney.