En 2009 en Italie, une jeune femme, Eluana Englaro, vient de mourir. Ce fait n'aurait pas un grand retentissement si cette femme n'était pas dans un coma profond depuis dix-sept ans. Après maintes décisions judiciaires, la cour de Milan vient de rendre le verdict permettant au père d'Eluana de débrancher les appareils la maintenant en vie.
Le problème ne s'arrête pas là car si les divergences sont profondes dans le cercle familial et dans toute l'Italie, le "Parlement", lui , se voit pris de court car Berlusconi voulait faire adopter une motion afin de rendre caduc la décision du tribunal. L'enjeu est donc d'importance. Les rassemblements et les manifestations se succèdent et exacerbent le camp des pour comme le camp des contre.
Nous voici donc au centre d'un dilemme qui fait toujours débat et notamment ici en Italie. Il est vrai que la religion catholique et son conservatisme sont bien présents pour s'opposer au problème de l'euthanasie.
La famille d'Eluana est à l'image de la société dans laquelle elle évolue. En effet le père de la jeune fille veut en finir avec l'existence de celle-ci, ne pouvant pas mesurer son degré de souffrance et de conscience, Eluana, pour lui, semblant avoir déjà quitté les siens.
De plus il y a la mère, une femme très pieuse qui, au contraire, fait tout pour faire obstacle à la mort de sa fille à grand renfort de prières. Le climat devient insoutenable.
Les affrontements s'exercent également dans la rue car Berlusconi par son clientélisme habituel et ses manœuvres coutumières provoque les incidents et divise aussi bien la classe politique que les citoyens dans sa tentative de faire échouer le jugement.
C'est ainsi que l'on assiste aux tentatives de "soudoiement" de certains parlementaires, que les bougies envahissent le lieu de l'accident et que les prières s'élèvent. Pendant ce temps les partisans de l'euthanasie se font également entendre.
L'un des sénateurs va d'ailleurs vivre un terrible cas de conscience. Il s'oppose à la décision des magistrats, tout en ne pouvant s'empêcher de revivre dans ses pensées les derniers instants atroces passés avec son épouse. Celle-ci se trouvant dans la situation d'Eluana il avait lui-même abrégé sa vie.
Marco Bellocchio s'est souvent servi de la caméra pour nous décrire avec beaucoup de passion certains phénomènes ou événements, objets de vifs débats au sein de nos sociétés. Il faut dire que le problème abordé dans cette œuvre reste à l'ordre du jour et attire les analyses les plus contradictoires. Son film est fort bien construit et chaque personnage représente un symbole fort dans ce drame qui a provoqué un débat passionné et houleux autant au niveau du peuple italien que de l'état.
Les aiguillons acérés de Berlusconi soutenu par nombre de ses partisans sincères ou achetés et bien sûr de l'église catholique sont décrits avec beaucoup de justesse.
La mère d'Eluana,une très célèbre actrice, reste figée dans un univers religieux très fort, délaissant son fils afin de se consacrer à sa fille en la veillant et en priant le Seigneur, pénétrée par l'espoir d'un retour à la conscience bien aléatoire. Au contraire le père ne se raccroche plus au moindre espoir et suit un chemin opposé à celui de son épouse.
Par le biais de ce sujet très sensible, le réalisateur nous fait découvrir d'autres "cas" qui sillonnent notre société. C'est ainsi que nous allons retrouver au sein d'un un hôpital une interne essayant de redonner goût à la vie à une jeune toxicomane au bord d'un précipice qui risque de lui être fatal.
Par ces cas diamétralement opposés Marco Bellocchio tente avec brio de nous démontrer que l'euthanasie n'est qu'une solution extrême. Vous croiserez également la fille très croyante du sénateur, tombée amoureuse d'un jeune manifestant aux convictions opposées sur ce sujet et donc rongée par le dilemme. Voir ce film c'est découvrir toutes les facettes de cette société lancée dans le terrible débat sur le droit de mourir en paix sans avoir à subir, par intolérance et philosophies diverses, les souffrances trop fortes infligées à certains êtres par la vie.
Bien entendu les acteurs de cette œuvre qui aborde ce si délicat sujet brillent par la justesse de leur interprétation. Toni Servillo dans son rôle de sénateur envahi par le doute est fort touchant. La mère, Isabelle Huppert pleine de froideur, très théâtrale et déconnectée de tous afin d'assister sa fille, est troublante, contrastant avec son époux interprété par Gianmarco Tognazzi.
Je voudrais également nommer: Alba Rohrwacher ,Maria, Michele Riondino, Roberto, Maya Sansa ,Rossa, Piergiorgio Bellocchio, ***Pallido* et Brenno Placido, Federico, qui méritent tous d'être remarqués tant leur talent éclate sous la houlette d'un très grand cinéaste.
Marco Belocchio déclarait, je le cite: " Décrire seulement des faits ne m'intéresse pas, j'essaie d'en comprendre les racines. Le cinéma politique italien de contestation, d'engagement, a été tué par la télévision. Il n'y a plus de pouvoir de scandale dans le cinéma. Cela oblige à retrouver une profondeur. Et pour cela, il faut travailler sur les images, le style: des formes qui sont le plus loin possible de la télévision. J'essaie toujours de regarder l'Italie. C'est elle aussi, la belle endormie.".
A la vue de ce film, je ne peux qu'approuver cette réflexion sur son œuvre.
Ma note: 9/10