Histoire Éternelle
La Belle et la Bête est un gros morceau auquel il me tardait de m'attaquer. À ce jour, il est le seul Classique Disney à avoir eu l'honneur d'être nominé à l'Oscar du meilleur film et demeure...
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le 27 déc. 2016
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Dans mon DVD, le film ne commence pas par « Bonjour », la jolie chanson qui m’a fait office de réveil pendant un certain temps (idéal pour un réveil en douceur, sans sursauts ou énervement). Il-y-a une introduction, avec des vitraux qui expliquent pourquoi la Bête est devenue une bête. On m’a dit que normalement il n’y a pas cette partie. Et pourtant je la trouve essentielle. Il commet une mauvaise action, en conséquence de laquelle il devient une bête. Morale n°1 : Si on est mauvais, on devient un monstre. Certainement, aucune fée ne sera là pour nous jeter un sort et réellement nous transformer en bête afin de nous punir. Mais on sera quand même en monstre, symboliquement, parce qu’on aura perdu ce qui nous rend humain. J’aime bien l’idée, mais ça reste un peu facile et premier degré, et il faut bien admettre qu’il n’a rien fait de si Dramatique et que considérer que chaque personne qui fait une mauvaise action est un monstre serait quand même énormément manquer de tolérance. Il-y-a une façon bien plus dramatique de le voir. C’est le tragique des prophéties autoréalisatrices. Tu fais quelque chose de mal, quelqu’un te dis que tu es mauvais, et le drame survient quand tu le crois et que tu commences à te voir comme quelqu’un de mauvais : comme un monstre. Alors, te croyant un monstre, tu commences à te comporter comme tel, et ça devient un cercle vicieux.
Et à partir de là, on peut commencer à réfléchir. Quand tu es petite, tu te dis que Belle est admirable parce qu’elle ne se soucie pas des apparences, parce que si elle tombe amoureuse de la bête ce n’est certainement pas pour sa Beauté. Mais si tu y réfléchis, sa personnalité et son comportement sont loin d’avoir de quoi contrebalancer. C’est autre chose. Parce que « voir plus loin que les apparences », ce n’est pas seulement ne pas s’arrêter au physique, c’est voir plus loin que ce que la personne montre d’elle-même de façon générale, peut-être même plus loin que ce qu’elle voit elle-même d’elle-même. La première fois que Belle regarde la Bête, elle est effrayée, le trouve horrible,… Mais alors qu’elle a repoussé Gaston et l’a mit à la porte (il finit dans la boue et ne change pas de comportement), elle décide de rester et se faisant laisse une chance à la Bête. En lui laissant cette chance, elle lui permet de s’améliorer. En prenant le temps d’apprendre à le connaître, elle lui permet de révéler plus que la façade qu’il utilise pour se protéger, et aussi de découvrir lui-même qu’il-y-a plus en lui.
Pour moi, la Bête représente juste quelqu’un qui manque de confiance en sois, qui ne croit pas en lui-même. Il suffit de voir comme le regard des autres lui fait mal : c’est ça qui le rend touchant, mais c’est aussi ça qui le rend méchant, parce que c’est la seule façon qu’il a de se protéger. Il ne faut pas croire que la prophétie autoréalisatrice s’applique seulement à la méchanceté : le regard des autres te fait peur parce que tu crois qu’ils verront ce que toi tu n’aimes pas chez toi, alors tu les fuis, et ils te voient comme quelqu’un de froid ou de sauvage et ça ternit leur image de toi et ensuite leur regard te fait plus de mal encore et devient de plus en plus effrayant. Cercle vicieux toujours et encore. Mais Belle quelque part brise le cercle, en lui laissant une chance de se montrer comme quelqu’un de bon. Et il devient capable de croire qu’il est cette personne, celle qu’elle a vu en lui, et il devient capable de lâcher Gaston, pas dans le vide mais sur le sol, et de le laisser s’enfuir. Malheureusement celui-ci en profite pour essayer de lui planter un couteau dans le dos, mais Heureusement le Karma est là pour le faire tomber dans le vide.
La Bête ne croit pas que Belle puisse l’aimer. Le contraste est flagrant avec la prétention de Gaston. Et ce dernier au final finit même par ne pas se soucier du fait qu’elle l’aime ou non, et veut la contraindre à l’épouser en lui faisant du chantage. La Bête au contraire pense à elle avant de penser à lui. Il l’aime sans espérer qu’elle puisse l’aimer. Et il ne faut pas croire que le fait de l’avoir enfermée est ce qui au final la pousse à l’aimer. Certainement que le film ne dit pas de s’obstiner et de chercher à forcer quelqu’un à nous aimer. L’obstination est du côté de Gaston : et on voit ce que ça donne. Ce qui joue en sa faveur, ce n’est pas de l’avoir enfermée : c’est de la libérer. C’est de ne pas vouloir qu’elle soit avec lui mais juste qu’elle soit heureuse. C’est au moment où il choisit de la laisser retourner auprès de son père qu’il est décrété qu’«Il a finalement appris à aimer ». Malheureusement, ils ajoutent immédiatement que ce n’est pas suffisant pour briser le sort, il faut qu’elle l’aime en retour. Pourtant apprendre à aimer devrait être suffisant pour ne plus être une un monstre. Ce sort est tellement injuste !
C’est injuste qu’être devenu quelqu’un de bien ne soit pas suffisant pour briser le sort. C’est injuste qu’être « quelqu’un de bien » ne soit pas suffisant pour briser la malédiction qu’est le manque de confiance en sois (malédiction somme-toute moins pire que la prétention de Gaston, si vous voulez mon avis). La question étant : A-t-on besoin que quelqu’un nous aime pour parvenir à s’aimer soi-même ? C’est terrible ! Terrible ! Ce sort est tellement injuste. En fait il-y-a un vrai paradoxe : pour redevenir un prince, il a besoin d’être aimé mais ça serait plus facile de se faire aimer s’il était déjà un prince. C’est la même chose si on remplace « être un prince » par « croire que quelqu’un peut m’aimer ». Il croit qu’elle ne peut pas l’aimer et ça joue quand même contre lui (moins que l’extrême inverse certes) : croyant que c’est sans espoir, s’en croyant incapable, il ne fait quasiment pas d’efforts. Je suis une grande fan de l’idée : voir plus en une personne que ce qu’elle voit elle-même, le lui apprendre et en l’aimant lui apprendre à s’aimer. Je trouve ça magnifique. « It’s me », dit-il d’un air surpris quand il se transforme en prince. « It is you », lui répond-elle l’air de dire « je l’ai toujours su ». Je trouve ça beau mais je trouve quand même ça tragique. Tous ces paradoxes et ces cercles vicieux. On dit « comment veux-tu que quelqu’un t’aime si tu ne t’aimes pas toi-même ? » et ce n’est pas faux : les gens voient ce que tu leur montre, malheureusement. Et si tu attends en croyant que toutes ces choses ne sont pas en toi, elles risquent juste de disparaître. Mais j’ai envie de répondre « Comme dans la Belle et la Bête » : je trouve juste ça si beau et le manque de confiance en soi si adorable. Je suppose que je résoudrais le dilemme avec la réponse magique qui résous bien des questions « trouver le juste milieu, ne pas tomber dans les extrêmes ». Magie magie problème résolu : de la confiance en soi mais pas trop, du manque d’estime de soi mais pas trop. Mais si il faut choisir un camp je choisis quand même celui du manque de confiance en soi et je préfère être considéré comme un monstre qu’être adulé par tous mais prétentieux comme Gaston.
Et je réalise que je viens d’écrire une critique entière en m’identifiant surtout à la Bête. Et moi qui croyais adorer la Belle et la Bête parce que j’adorais Belle. Ça m’embête toujours de le dire parce qu’elle est courageuse et que le courage je ne m’identifie pas du tout à ça (du tout du tout) : idem avec le fait de se sacrifier pour sa famille, le désir d’aventure, et avoir du caractère je suppose que vraiment ça dépend. Elle est juste trop forte et je ne suis pas du tout forte. Mais toute cette histoire de vouloir voir plus chez les gens que ce qu’ils montrent, de faire preuve de compréhension et de patience, de ne pas se dire qu’il n’y a rien à tirer des gens, de ne pas être impressionnée par les Gaston et leur baratin,… Il faut quand même arrêter de se leurrer et admettre que la raison essentielle est sa passion pour la lecture : la voir marcher en lisant, s’extasier devant une bibliothèque, lire une histoire toute seule en parlant aux moutons,…
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Créée
le 23 mars 2014
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