Tout l'intérêt de La Belle et la Bête tourne autour de la relation extrêmement complexe entre un père et sa fille de 16 ans, aux prémices de l'éveil de sa sexualité. Force est de constater que le film du cinéaste danois Nils Malmros (inconnu au bataillon) est parvenu à capter cette transition, cette charnière entre deux grands moments du rapport qui unit des parents à leurs enfants, avec un talent certain. La sobriété et la sensibilité dont il fait preuve pour avancer dans la description des sentiments assez subtils sont particulièrement appréciables dans cette configuration, et confère à une telle démarche toute sa force.


Le ton, déjà, oscille de manière constante autour d'une position d'équilibre située dans le registre de la semi-comédie, tant père et fille n'ont de cesse de se moquer l'un de l'autre, tendrement. Ces oscillation proviennent du sous-texte, étrange, insaisissable jusqu'à la fin du film, enveloppant le récit de son voile vaporeux, presque dangereux. À aucun moment l'inceste n'est explicité ni même suggéré fortement, mais la caméra (dans les yeux du père) filme parfois avec une certaine insistance le corps nu de la fille. Quelques secondes de trop, juste ce qu'il faut pour semer le doute, avant de le laisser s'évaporer en circonscrivant ce nu au cadre d'une soirée trop arrosée qui se termine simplement aux toilettes.


Le film est aussi un parcours, celui du père, qui semble combattre ses préjugés pour accepter l'émancipation de sa fille, pour amadouer sa propre jalousie. Il essaie à de nombreuses reprises de montrer à sa fille qu'il fait des efforts, en distribuant des bons points à certaines de ses fréquentations jugées "correctes". Au-delà de la simple jalousie parentale, on sent poindre la thématique de l'inceste tout du long, ou presque, mais elle n'émergera jamais vraiment. Ce ne sera qu'un attribut du portrait qui est fait, colorant le rapport entre les deux d'une certaine confusion intra et extra-diégétique. Le résultat est assez dérangeant car on nous oblige à adopter une position inconfortable (la pire étant la séquence des photos nues, qui sans être pornographiques, demeurent dérangeantes au-delà des intentions apparemment innocentes de l'intéressé) pour observer ce récit d'apprentissage, centré sur une thématique très particulière, à la fois relativement bien balisée et abordée de manière singulière. Ou plutôt un temps de l'adolescence particulier, traité avec subtilité, en capturant toute l'incertitude de cet entre-deux, coincé entre l'enfance et l'âge adulte, tandis que l'insouciance s'évapore progressivement.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Belle-et-la-Bete-de-Nils-Malmros-1983

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le 13 avr. 2018

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Morrinson

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