De version en version, l'approche de la perfection
Me voici lancé dans une longue critique. Et essayer de convaincre quiconque non pas des qualités reconnues de ce film, mais pourquoi personnellement j'en fais un des meilleurs films tout confondu, le plaçant même deuxième dans mon top 10, ce n'est pas rien...
Aujourd'hui, 20 ans approximativement après sa sortie en salles, je suis retourné voir La Belle et la Bête au cinéma. Changement de génération oblige, cette fois ce fut en 3D que j'ai revu ce chef-d'oeuvre des studios Disney, le premier film que je vis au cinéma, tout un symbole donc. A mes côtés, des papas, des mamans, de mon âge pour certains, pas beaucoup plus vieux pour les autres, emmenant leurs enfants revoir ou peut-être découvrir pour la première fois ce "conte de toujours, des siècles passés". Que d'émotions. Disney a bien calculé son coup en commençant par ressortir ses classiques au cinéma. Une génération est passée... Passons.
L'histoire est si bien construite, la narration passant souvent par les chansons, sans pesanteur pourtant. Pas de doute possible, nous sommes en présence d'un des grands Disney de la "Nouvelle Vague" des années 90. Avec le départ en retraite un peu forcé des vieux dessinateurs et animateurs des premiers succès, Disney décide de faire les poussières dans la maison et de faire le plein de sang neuf. C'est le Golden Age qui commence, avec La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Pocahontas, Aladdin, Mulan... tous ces Disney "modernes" qui ont fait la joie de toute une génération dont je fais parti (et de leurs parents!). Les Disney "d'avant Pixar" pourrait-on dire. A l'époque, le dessin animé assisté par ordinateur connaît ses premiers balbutiements, par encore au point hélas (hélas?) pour permettre la création d'un long métrage de 1h30 dans son intégralité... Mais on teste. Et Toy Story verra le jour très vite! Pour les longs métrages du Golden Age, on revisite les grands classiques du conte, ou plutôt on ressort des cartons les projets de l'oncle Disney qui s'était porté acquéreur des droits de pas mal de ces histoires et/ou avait déjà travaillé à leur élaboration.
L'histoire de la Belle et la Bête est tellement complète et complexe et pouvant se lire à tellement de niveaux différents (sinon pourquoi Cocteau en aurait-il fait un des ses seuls films...), il est même isurprenant qu'elle n'ait pas donné lieu à une adaptation plus tôt... En fait, Walty avait bel et bien beaucoup réfléchi sur le projet, mais un détail de force le tracassait: pas de personnages secondaires permettant de diversifier l'action. La sang frais des studios des années 90 a donné la solution: elle s'appelle Big Ben, Lumière et Mrs Samovar. Les domestiques. C'est également très nouveau chez Disney: l'héroïne n'est pas une princesse, elle le devient. Mais je ne veux pas parler de l'histoire ici, beaucoup de gens plus cultivés pourront sans mal en donner une lecture plus complexe. Après l'avoir revu aujourd'hui, je trouve que l'histoire a une force que certaines autres histoires n'ont pas: un chapitrage clair.
Dans cette critique, je voudrais comparer les différentes versions qu'il existe désormais de ce film. Depuis sa sortie en salle en 1991-92 (ça ne nous rajeunit pas), la sortie de différents supports audiovisuels et des procès (...) ont "nécessité" l'adaptation du film de nombreuses fois. De la version d'origine en salle, on conservera donc la VHS et le LaserDisc. Du fait de son encodage bien plus précis et la meilleure préservation du support (personnellement en mettant le son à fond je n'entends quasiment plus rien du son de ma VHS désormais!), le LaserDisc passe pour être la meilleure version du film original pour le public. Le problème étant: vous en connaissez beaucoup des personnes avec un lecteur LaserDisc? Pas moi... Heureusement (malheureusement...), la démocratisation de la haute définition va mettre un terme à ces périodes sombres...
Place à l'écran plat! Place aux lecteurs DVDs! Nous avons droit à une révolution! Avec le DVD, beaucoup plus de détails tant au point de vue sonore que visuel peuvent être ajoutés! D'autant plus qu'on passe au 16:9... Et voilà le film MASSACRE pour sa version DVD... Privé d'un tiers de l'image du fait de sa reconversion 16:9, du fait d'un TRES MAUVAIS ETALONNAGE des couleurs, du fait du manque de travail incontestable (ou alors n'étions-nous à l'époque qu'au stade de l'expérimentation) du son 3D, le film est quasi-mort... Il n'y a que la jaquette qui permettait de sauver cette version! (très belle jaquette!)... Au final, on a le droit à un film trop lumineux, sur-saturé en rouge criard (ARGH!), avec des effets sonores d'ELEPHANT! Et pour nous pauvres français, les conséquences du procès de Lucie Dolène avec les studios Disney (Blanche-Neige de 1962), fut le réenregistrement des parties de Mrs Samovar et la CATASTROPHE qu'il en résultât: Histoire éternelle, dont la version française originale était bien supérieure à celle d'Angela Lansbury (et pourtant oscarisée de la meilleure chanson!), devient la pire des horreurs... Que de nuits sans sommeil la nouvelle version DVD a du donner aux bambins des années 2000! On comprend pourquoi ils ont si mal grandi!... Rien a sauver dans cette version DVD, rien! Bien sûr l'image gagna en clarté... mais à quel prix!? L'addition de Humain à Nouveau porte le coup final. Les fans de France et de Navarre ont essayé de corriger le tir en créant leur propre version DVD, avec le son d'origine et l'image du LaserDisc portés sur DVD en 4:3. Pied de nez aux studios Disney France.
Heureusement pour nous, les années ont passé, et la très haute définition est apparue dans notre salon: le BluRay! A l'occasion des 20 ans du film, La Belle et la Bête a bénéficié d'une ressortie en version intégrale sur BluRay, dans la collection Diamant de Disney... Enormément de contenu additionnel supplémentaire par rapport au DVD (ah oui, j'ai oublié de préciser que c'était là la seule qualité du DVD: les bonus!), mais surtout, surtout, un retour au film d'origine. Apparemment, les équipes de Disney se sentaient un peu plus investis, ou bénéficiaient-elles de plus d'expérience 8 ans après la version DVD horrible, mais au final il reste cette version BluRay magnifique qui m'a fait redécouvrir dans mon salon "comme au cinéma" le film de mon enfance.
De la même façon que la version DVD semblait raconter une autre histoire, la version BluRay, en changeant la perception des détails, en raconte-t-elle une autre. En appliquant le petit-truc retenu du visionnage de la version DVD - à savoir changer la luminosité de l'écran pour rendre tout plus sombre - on frôle la perfection. Les arrière-plans par exemple sont si détaillés qu'on se demande s'ils étaient bels et biens présents en l'état dans la version d'origine. On a l'impression de voir l'œuvre de restaurateurs de tableaux. Et l'écran est illuminé de tous ces détails, de toutes ces nuances de couleur, et de cette superposition des plans qui a permis au final la transposition du film en 3D. De plus, la dimensionnalité des effets sonores a été énormément travaillée, ce qui laisse penser que la version DVD avait été réalisée par des DINOSAURES. Ce qui est fantastique avec un BluRay aussi, c'est la possibilité de changer de langue... Ne vous laissez-pas prier pendant Histoire Eternelle, et écouter plutôt l'interprétation de Angela Lansbury. Ou mieux, coupez le son, ralentissez la vitesse de lecture de votre lecteur BluRay (ah oui ça... grrrrrrrr) et écoutez par dessus votre version CD avec Lucie Dolène. On fait ce qu'on peut. La développement de la version BluRay a certainement convaincu Disney de ressortir le film en 3D: tout y était, il ne restait plus qu'à. Ce n'est donc pas la version d'origine... C'est une version MILLE fois plus belle que la version d'origine et je mâche mes mots. Si vous ne la possédez pas, il faut absolument que vous en fassiez l'acquisition.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Aujourd'hui, j'ai donc revu pour la première fois en 20 ans La Belle et la Bête au cinéma. Et en 3D. Et je suis désormais convaincu que la 3D n'a été inventée que pour redécouvrir les chefs-d'œuvre du passé en qualité exceptionnelle... et pas pour ces daubes que sont Piranha 3DD, Le choc des Titans, ou autres bouses apparentées. Dès le prologue, le ton est donné (tout comme dans la version BluRay d'ailleurs): l'image est à couper le souffle. Par rapport au BluRay, on perd en qualité. C'est étrange d'ailleurs, parce que l'on sait depuis le BluRay que l'image originale est hyper détaillée et colorée. Donc il s'agit ici d'un choix. Un choix qui est lié à la 3D. Le film perd son aspect peinture, et redevient un film avec le temps qui se déroule, qui passe. L'oeil est porté au loin, et se focalise sur les plans les plus importants. L'arrière plan devient plus mystérieux aussi... et ce n'est pas un mal. Ainsi le château apparait-il vraiment dans la forêt, parmi les arbres et les roses qui semblent s'écarter comme un rideau. On se retrouve transporté dans le conte. Le mouvement de zoom de caméra semble nous happer. Les vitraux sont eux aussi légèrement en relief (les jointures), ce qui est du plus bel effet. Les lunettes 3D ont un autre avantage: ils rendent tout plus sombre! J'étais donc très heureux de ce désagrément... La Bête n'apparaissait nette qu'au moment du faisceau de lumière dans les cachots. Les paysages en 3D de la reprise du thème de Belle étaient à couper le souffle... Les effets de perspective ont été très travaillé pour chaque plan. Dans les passages chantés notamment, cela coupe le souffle: je pense à C'est la fête, je pense à Tuons la Bête, et je pense surtout à Histoire Éternelle. Enfin, ENFIN, cette scène a-t-elle droit au traitement unique qui lui était dû. La robe de Belle brille de mille feux, tout en restant jaune et non pas verte/blanche comme dans le DVD, et enfin les décors en 3D de synthèse ne font-ils plus qu'un avec le reste de l'image: ternis, recolorés, ils perdent beaucoup de leur aspect "faux" ou plutôt "rococo décadent néo-classique baroque". La 3D apporte beaucoup aux plans d'ensemble notamment pour les scènes où Belle est conduite à sa chambre par la Bête. Les statues du château n'ont jamais été aussi nettes et détaillées d'ailleurs. Effrayant! L'autre scène qui gagne beaucoup grâce à la 3D et la scène de couloir où Belle arrive à la chambre de la Bête. La caméra est en contre-plongée, et les côtés de l'écran à gauche et à droite sont extrêmement courbés. L'exagération de la profondeur et de la perspective imputables à la 3D, de même que le flou il est vrai imputable lui-aussi à la 3D, rend le tout très cauchemardesque, irréel, glauque. Par contre, la scène de métamorphose finale n'a bizarrement pas eu droit aux mêmes égards... j'ai été très déçu, même si les couleurs ont été une nouvelle fois repensées (la chemise blanche de la Bête est extrêmement lumineuse cette fois, comme si toute la "chrysalide" était remplie de lumière que l'on aperçoit à travers les plis d'une cape rouge sang très sombre cette fois (et non plus l'infâme bordeaux/lie de vin des anciennes versions...). Mais la transformation se fait sans relief et paraît du coup terne vis-à-vis du reste. Sans parlé d'un malheureux jeu d'effets lumineux à ce moment précis (la pluie d'étincelles colorées), qui viennent se placer devant les visages des personnages, et qui gâchent la visibilité... Curieuse décision. Mais enfin... Finalement, une scène de bal retravaillée, le trait de crayon autour des personnages de La Belle au Bois Dormant est beaucoup moins épais désormais... Il me reste à préciser que la dimensionnalité du son est portée à son paroxysme, et que le mélange son/image est d'une qualité exceptionnelle. les effets sonores sont plus ou moins accentués, étouffés, avec un souci du détail qui ont fait ma joie!
Tout rend bien mieux au cinéma. Mais vous l'aurez compris, cette version 3D est pour moi bien meilleure encore que la version BluRay si c'était possible. Bravo aux équipes de Disney pour cette démonstration de perfection. J'ai vraiment été retransporté en enfance cette après-midi...