Voir le film

Avant toute chose, je tiens à dire que j’ai vu le film en VO et en VF. J’ai donc pu me constituer un avis relativement solide. Ce film me laisse d’une perplexité incongrue comme cela se sentira peut-être. Je n’ai pas détesté le film, loin de là. Mais je ne l’ai pas adoré non plus. Attention aux spoilers!



Avant-propos



Dernier né de la famille des remakes Disney, La Belle et la Bête est aussi le remake dont le succès colossal aura définitivement ouvert la boîte de Pandore de l'industrie des adaptations en prises de vues réelles. Bien triste époque pour la créativité, cette période que nous traversons est pareille à celle du sinistre temps où les suites bon marché des grands classiques étaient produites en masse.
Tout amateur des films Disney ou de films, tout simplement, devrait donc s'effarer devant une telle perspective glaçante où plus que jamais, la rentabilité l'emporte sur l'artistique.


Cette courte introduction sert à expliquer l'état d'esprit dans lequel je me trouve depuis des mois lorsque les premières images et extraits du film sont tombés. Il faut dire que le premier trailer était plus qu'alléchant pour moi...j'étais, non, nous étions nombreux à être suffisamment naïfs pour croire que le potentiel énorme d'une adaptation du chef-d'oeuvre de 1991 allait être pleinement exploité parce que...parce que ce n'était pas possible autrement. Disney allait forcément nous sortir un grand classique inoubliable, triomphant sans conteste des derniers remakes en date.


Malheureusement par la suite, le revers fut rapide, le réveil brusque, la désillusion croissante. Passe encore qu'on reprenne intégralement la BO, les chansons, l'histoire et les personnages mais cette promesse candide n'était-elle pas déjà bancale de base? Si l'on veut ressentir de la nostalgie, autant se regarder à nouveau le film de 1991.


Problème posé: l'exploitation à peine voilée du sentimentalisme et de la nostalgie des gens prêts à accourir pour payer ce qu'ils ont vu des centaines de fois et qu'ils possèdent peut-être même chez soi.


Le film réussit-il donc à satisfaire l'attente volontairement créée à coup de promotions avoisinant des sommes astronomiques? Réussit-il à convaincre du bien-fondé de sa naissance? Est-il autonome, existe-t-il par lui-même?



La réalisation



Premier point fondamental d'un long-métrage à mes yeux, la réalisation est ce qui inculque l'âme, la crédibilité et l'artistique de ce qui tente de prendre vie sous nos yeux.


Retour en 2016. Au vu de la réputation de Bill Condon, j'ai un peu peur à l’annonce de son nom, puis, gardant mon implacable optimisme parce que Disney ne peut pas rater son remake, je décide d'attendre avant de juger. Une bande-annonce sort. La réalisation a l'air très pauvre sans aucune audace.
Ne jamais juger un livre sur sa couverture...sauf que malheureusement, ce qui est dans la bande-annonce est très fidèle à ce qu'on retrouve dans le film:
Réalisation impersonnelle, pauvre voire vide de symboliques et de volonté d'innover, mouvements et jeux de caméras au mieux moyens, au pire dignes d'amateurs. Un montage et des transitions d'une paresse et d'un recyclé incroyables. La Belle et la Bête n'a aucune identité propre de ce point de vue.


Il y a un manque de finesse et de soin constant tout au long du métrage, que ça soit pour la propreté du cadrage, de la scénographie, de la chorégraphie, de la mise en scène, de la gestion de l'espace ou le fait que des panoramas soient flous à des moments pourtant cruciaux émotionnellement (la découverte de la bibliothèque). On a qu’une envie, c’est de reprendre la caméra et de la recentrer sur les deux personnages dans Histoire éternelle où elle s’obstine à filmer le décor très peu intéressant et lui aussi relativement pauvre. Cela dit, la chorégraphie est assez réussie dans Gaston et dans le final.



Les décors et les costumes



L’histoire se passe dans la France de la fin du XVIIIème siècle et quoi de mieux que de reproduire un semblant de village français à trois rues et aux maisons en carton. L’incrustation et la reproduction CGI de paysages verdoyants français font assez mal aux yeux, encore plus pendant le plan large où Gaston et LeFou sont introduits. C’était trop dur de tourner en France, bah oui. Ils ont presque entièrement tourné en studios (!) à Londres, traverser la Manche, c’est trop compliqué et hors budget. On évoque aussi les fonds verts plus ou moins gérés selon les scènes, le pompon étant la scène où Belle et la Bête se promènent dehors en hiver (Belle porte d’ailleurs quelque chose de bien léger mais passons). S’ils voulaient donner l’impression de « cartoon » c’est réussi.


Tournage en studio oblige, de la neige artificielle a été utilisée pour Je ne savais pas et ça se voit un peu beaucoup.


Le château…je ne suis pas trop fan de ce château. Celui du film d’animation était imposant et impressionnant. Celui-ci est un hybride curieux chargé de style rococo baroque pas forcément très heureux, ça plus la CGI qui passe également assez mal si on est un peu pointilleux et le film vieillira sans doute mal à cause de ça. Mais j’avoue que ce n’est pas trop mal. Le rendu est mieux de nuit. L’intérieur est classe. Propre. Trop propre. Et surtout vide. Terriblement vide. Tout ça manque de saleté, de « laideur », d’asymétrie. L’Aile Ouest fait ainsi bien pâle figure, là encore, dans le film d’animation, la pièce est le défouloir de la colère et du désespoir de la Bête. On y retrouve donc un gros débarras avec des objets encombrants brisés, cassés, en lambeaux. Ici nous avons quoi, deux espèces de trônes des deux côtés?


Je trouve les costumes réussis dans l’ensemble hormis ceux des nobles et des serviteurs qui je trouve font très bon marché (un comble!). Big Ben a d’ailleurs plus l’air d’être un comte ou d’un duc anglais que le « premier majordome ». Du côté des habitants du château donc, seuls les costumes de Madame Samovar et du Prince à la fin trouvent vraiment grâce à mes yeux.
Les costumes sont tous beaucoup trop propres je trouve, aucune trace d'usure. Tout est beaucoup trop net.
Je suis mi-figue, mi-raisin pour les tenues de Belle. Pour sa robe de villageoise, je suis partagée entre la satisfaction de voir une robe à l’image du personnage débrouillard et à l’esprit pratique et la perplexité de voir Belle se promener jupon en l’air pendant trente bonnes minutes. Je me suis habituée bon gré mal gré à la robe jaune qui, je dois l’admettre, a l’avantage de très bien tourner. Je suis toutefois contente de voir Belle porter différentes tenues et coiffures, c’est déjà ça, bien que je trouve sa tenue d’hiver vraiment légère et d’un tissu d’une qualité pauvre.



Les personnages principaux



Le moins qu’on puisse dire, c’est que les personnages sont tous traités de la même façon. Chacun a droit à son temps à l’écran de manière assez égale.


Belle est désormais plus une adolescente mélancolique, triste et solitaire qui petit à petit s’épanouit et devient femme au contact de la Bête. Dimension intéressante qui me plaît bien personnellement. Seulement, je ne vois pas en quoi le personnage est plus féministe qu’avant. Allons quoi, elle passe des outils à son père? La Belle 1991 le faisait déjà. Elle « fabrique » un semblant de machine à laver? Elle est assez ingénieuse alors, pas bricoleuse. Elle apprend à lire à une fillette ? Elle ne cherche pas du tout à défendre avec force sa résolution et est étrangement passive quand les villageois détruisent sa création. Elle chevauche comme un homme? La Belle 1991 également. Elle réagit bien plus comme une adolescente butée qui ne fait qu’empirer les choses en se mettant à crier pour se confronter à une Bête là où la Belle 1991 prend tout avec tact et dignité. Elle a l'idée d'une épingle à cheveux pour crocheter la serrure? Que c’est extraordinaire en effet (et ce n'est même pas elle qui crochète la serrure au fait).


La Bête est un Prince connaissant tout de la vie. Dès lors…que peut-il apprendre du contact de Belle ? Plus grognon et plus stable que dans le film d’animation, elle en est aussi plus fade. Passe encore qu’elle ne soit pas effrayante physiquement mais si la mise en scène est plate elle aussi, ça n’améliore rien du tout. Jamais le spectateur ne frissonne ou craint pour Belle. On ne comprend pas trop pourquoi il s’énerve alors que Belle n’a même pas touché la rose (la mise en scène ici aussi est inexistante d’ailleurs) ou pourquoi il vient sauver Belle des loups. Je reconnais toutefois que je l’ai trouvée crédible dans son rendu numérique et que je lui trouve une alchimie avec Belle grâce à des scènes d’échanges littéraires, certes assez navrantes par la pauvreté des références (on n’a aucune bonne histoire française du XVIIIème siècle pour les Américains visiblement), mais qui ont le mérite d’exister.


Gaston et LeFou connaissent quant à eux une transposition assez heureuse, ce qui est bien aidé par les acteurs qui sont trè impliqués et s’amusent autant qu’ils divertissent le spectateur. Si le revirement de LeFou est bienvenu, la fin de Gaston est bateau au possible par contre.


Les serviteurs sont très attachants mais encore une fois, c’est surtout grâce aux grosses réminiscences du film d’animation. Leur destin tragique leur donne plus de profondeur mais cette idée vient de la comédie musicale. Rien de neuf. Il y a d’ailleurs une énième occasion manquée de se détacher progressivement du film d’animation : ils révèlent qu’ils ont été transformés parce qu’ils n’ont rien fait pour intervenir alors que le père du Prince altérait son caractère…qu’en fait le film ? Rien. C’est encore plus frustrant quand on voit de telles opportunités se profiler mais qui se volatilisent en un seconde. Sans compter que cette "excuse" est complètement idiote, qu'auraient pu faire des serviteurs face à leur souverain?


Maurice n’est plus qu’un Gepetto bis mais avec la façon dont est tournée les choses on comprend pourquoi les villageois le considèrent comme fou quand il vient parler de « château magique ». On ne comprend pas pourquoi il se refuse de dire à Belle ce qui est arrivé à sa mère alors que mourir de maladie n’est pas tabou. Suspens inutile.



Les chansons



Rien de bien nouveau à détailler. On reprend celles du film d’animation plus trois-quatre inédites. Evidemment que les originales sont bien, ça donne envie de chanter avec, on est content…sauf que la réorchestration n’est pas forcément heureuse. Les chansons tournent presque au ralenti pour coller aux capacités vocales d’Emma Watson dont la voix est retouchée de manière très audible, parfois à la limite du supportable. Le reste du casting fait le minimum sans plus, sauf peut-être Luke Evans et Josh Gad qui s’éclatent clairement à jouer et à chanter. Tout ça manque singulièrement d’âme.


J’ai préféré la VF même si je trouve la seconde partie de Je ne savais pas très médiocre vocalement et textuellement. J’aime ce qu’ils ont fait de Gaston qui sort du lot même si la partie irlandaise est un peu déconcertante, c’est très énergique et divertissant. C’est la Fête part dans des thèmes curieusement exotiques mais pourquoi pas. Je tiens à préciser que je n’avais pas aimé cette scène au premier visionnage mais au second, j’ai bien plus adhéré, comme quoi !


Les nouvelles chansons sont sympathiques et touchantes mais on en vient à questionner leur utilité. Elles ont l’air de « fillers » comme les scènes où elles sont chantées (mention à la scène du grenier de l’ancienne maison de Belle à Paris). Un point pour Evermore cela dit, je l’ai adorée même si la mise en scène n’était pas forcément à la hauteur. Le leitmotiv de Je rêve d’une histoire sans fin est attendrissant. Les nouvelles chansons en général me paraissent délivrer un message trop naïf pour le métrage.


On joue donc avec l'inconscient collectif, on ne cherche pas à susciter une quelconque émotion nouvelle. On rajoute trois-quatre chansons pour faire genre « regardez c’est pas un copié-collé hein » sauf que la BO s’appuie à 95% sur celle composée par Alan Menken pour le film de 1991.



Les ajouts scénaristiques



Si j’ai parlé des ajouts musicaux, je peux parler des ajouts scénaristiques. Je les trouve inutiles en grande majorité, soit parce qu’ils sont abordés superficiellement, soit parce que…ça n’a tout simplement rien à faire là.


Parlons des storylines des mères du Prince et de Belle, storylines clichées au possible et impactant très peu le récit. On est content de savoir ça…et ? Qu’est-on censé faire de ces informations ? Bien sûr, on peut argumenter que comme quoi ça leur donne des points communs mais c’est bien léger. Quel était l’intérêt également de donner une présence à l’Enchanteresse, personnage qui n’en avait vraiment pas besoin ? Ça commence vraiment à me fatiguer cette mode de vouloir toujours combler des « vides » d’informations en créant des besoins inexistants.
Quant à l’Atlas « agence de voyages » offert généreusement par l’Enchanteresse…idée aussi bancale que casse-gueule, surtout qu’encore une fois, il ne sert concrètement à rien à part conduire à une autre scène inutile pour le récit ayant nécessitée du temps et de l’argent pour la modélisation du Paris du XVIIIème siècle.
A la limite, je veux bien accorder du crédit au nouveau passé de Gaston mais encore une fois, l’impact de ce changement est minime car pas du tout exploité. De plus, on perd la grandiose symbolique du chasseur présente dans le film d’animation.


Une tentative à peine voilée de faire une sorte de rafistolage pour se donner bonne conscience sur le bien-fondé de cette repompe quasiment intégrale du film d’animation.



Conclusion



La Belle et la Bête n’est pas un mauvais film, c'est encore pire que cela, c'est un film devant s’appuyer sans cesse sur le film d’animation comme sur une béquille parce qu’il n’arrive tout simplement pas à prendre son envol. Le plus traître c’est qu’on est ravi, on sourit, on retrouve son âme d’enfant pendant le visionnage. Le charme opère encore quelques instants après la fin…puis le charme s’effiloche pour ne laisse qu'un sentiment de perplexité croissant à l'égard de cette oeuvre qui fait plaisir mais qui ne fait au final figure que d'une espèce de spin-off sans rien de marquant ou de conséquent. Opportunité manquée, dommage.
Tout manque ainsi de vie. Ça bouge, ça chante, c'est joli mais ça ne vit pas.


Pour citer un ami: "Acheter un livre, lui rajouter trente pages en les collant avec du ruban adhésif rouge vif et le revendre n'en fait pas un meilleur livre. C'est de la malhonnêteté"

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le 26 mars 2017

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