La cicatrice intérieure… …vers le sourire enfoui.

C’est un film de fiction nourri par le réel : celui de l’immigration africaine en France. Il n’y a pas de récit (au sens de trame narrative) sinon celui de la fuite en avant, des bribes de vie captées dans l’exil permanent, d’un pays, d’une salle de rétention, d’un squat, d’une violence, d’une peur, d’une souffrance.


 A propos, le titre (du film) arbore une double signification. C’est une blessure fictionnelle, qui intervient en rebondissement dans le récit, lors de la fermeture des portes d’un bus, avant d’investir le plan jusqu’au bout : On voit la souffrance qu’elle engendre, les soins qu’elle requiert, la démarche hoquetante qu’elle impose. Mais c’est aussi une blessure documentaire, plus universelle, la conséquence d’une demande d’asile, le prix pour entrer sur un territoire, d’être intrus dans un nouveau monde qui rejette. Dans chaque cas, cette blessure devient cicatrice.
Klotz plonge (plutôt, reconstitue) crûment dans ces lieux, ces zones d’attente de non-droit, ces petites pièces d’aéroport, ces bus, puis ces squats, après la libération. Il y filme des visages, des corps, intrus mais bien réels, perdus mais bien vivants. Et il capte la parole qui y circule, les monologues refoulés lors de grandes confidences. Celle de ceux qui ont quitté leur terre et leur famille, qui n’ont plus de repère que le macabre présent qui s’ouvre devant eux. Plus macabre parfois que la misère et le chaos qu’ils fuyaient au préalable.
Plus troublant, le film s’intéresse aussi aux visages, aux voix de ceux qui rejettent ces corps étrangers. Et par leurs silences et regards neutres, pose la question de leur rapport à leur métier et à chaque situation, juridique et physique, qu’ils sont amenés à rencontrer. Observer cette mission consistant à brutaliser en toute neutralité ; à faire de ces bourreaux des types lambdas, à qui on a simplement demandés d’effectuer une tâche, ingrate, mécanique, sans y songer, en échange d’un salaire. Une machine abstraite, fascisante à broyer le réel et l’humain.
Nicolas Klotz & Elizabeth Perceval ont effectué un colossal travail en amont, en rencontrant de nombreux demandeurs d’asile, les questionnant sur leur histoire puis sur leurs conditions d’accueil. Mais aussi des directeurs d’organisations, des militants associatifs, un agent du ministère des affaires étrangères ayant été renvoyé pour avoir fait un rapport faisant état de violences exercées à l’encontre d’un groupe d’Africains.
C’est un film aussi très minimaliste. Aussi bien dans ses mouvements de caméras – puisqu’il s’agit très souvent de longs plans fixes – que ses couleurs, ses décors et la figuration utilisés : Il n’y a pas de personnages ici, il y a des visages, des corps et des voix. Et des rémanences d’un chaos d’une vie antérieure provoquées par le chaos du présent. C’est un film sombre, plongé dans l’obscurité. Sa lumière ce sont ces visages, ces corps, ces voix. Car le film est souvent ponctué de longs soliloques de récits de désolation.
Joy Division revient par deux fois. Il semble catalyser un combat, un retour à la vie. Une forme de désespoir qui se mue en traces d’espoir, fulgurantes, organiques. L’arrivée d’Atmosphère (morceau qui m’est cher) accompagnant une déambulation souriante dans les rues de Paris, après avoir couvert, en plan fixe figé sur les visages des deux personnages, Blandine et son mari, de nombreuses stations de métro, est sans aucun doute ce que le film capte de plus intense.
JanosValuska
9
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le 26 nov. 2020

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JanosValuska

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