La bocca del lupo est, selon les propres termes de son réalisateur, l’« archéologie de la mémoire » d’une ville, Gênes, de ses habitants des rues, et plus particulièrement d’un vieux couple d’amoureux, Enzo et Mary. Le film constitue la mosaïque nostalgique des « souvenirs interdits d’un monde disparu ». La caméra de Pietro Marcello s’attarde donc dans les milieux interlopes où il capte silhouettes, regards, histoires et rêves des êtres de l’ombre qui constituent l’âme de la ville, animant ses trottoirs et ses troquets jour et nuit : prostituées, vendeurs ambulants, piliers de comptoirs, prisonniers en permission…
Aspirant peintre, il compose avec talent des plans d’une beauté saisissante. Malheureusement, la cohabitation de ces véritables tableaux cinématographiques avec des images d’archives (collectées et montées par Sara Fgaier) de qualité aléatoire crée un effet patchwork qui rompt la cohérence esthétique du film. Nonobstant cette regrettable confusion formelle, au vu de la qualité de la photographie des images non importées et de la poésie du commentaire, La bocca del lupo a de quoi faire pâlir d’envie, dans ses meilleurs moments, un Chris Marker.