Un long métrage attachant, à l'image de ses personnages

« La Captive aux yeux clairs » n'est pas le long métrage le plus connu ni le plus célébré d'Howard Hawks. Et pour cause, ce fut un échec commercial à sa sortie, Hawks n'en fut d'ailleurs jamais tout à fait satisfait. Pourtant je le préfère largement à « La Rivière Rouge » son premier western, quelque peu austère et brutal, alors que « la Captive aux yeux clairs » est un modèle d'harmonie et de douceur, percé ça et là d'éclairs de violence. Dans l'ensemble, on se laisse bercer par ce récit de trappeurs joyeux et hardis, au rythme des chansons chantées à pleins poumons, entourés par un nombre inhabituel de Français (si si !) pour un film de ce genre et de cette époque.


Il règne dans ce long métrage une bonne humeur communicative. Les deux héros masculins, Jim Deakins (Kirk Douglas) et Boone Caudill (Dewey Martin) font connaissance en s'échangeant de vigoureux coup de poings... Et c'est ainsi que leur amitié commence ! Le temps de sortir de sa prison le vieil oncle de Boone, Zeb Calloway (Arthur Hunnicutt, truculent au possible), les deux héros se joignent à un groupe de trappeurs français, qui espèrent commercer avec les Pieds Noirs (ou Black Feet), tribu indienne dont ils détiennent une femme – la fameuse captive aux grands yeux tout à fait cinégéniques – afin de l'échanger contre des fourrures et autres avantages sonnants et trébuchants.


Mais au lieu de se focaliser sur l'intrigue, tortueuse au possible, Hawks s'attache à filmer les péripéties, les rebondissements, mais aussi les à-côté de ce voyage interminable. Il prend le temps de créer une véritable atmosphère, et on se croit plongé dans cette époque, comme dans un documentaire qui aurait traversé le temps. Tout semble plus vrai que nature. On est ravi d'échouer dans une auberge où le whisky coule à flots et où hommes et femmes chantent de leur plus belle voix, dans un français touchant. D'ailleurs, on s'amuse de ces Français râleurs et charmeurs, de leurs petites combines. Mais aussi de ce passage dans la prison, où Zeb Calloway semble s'y sentir comme chez lui. Et comment ne pas résister à ces passages où les trappeurs établissent leur campement, avec leurs viandes grillées et le whisky omniprésent...


Et quand vient le temps de l'action, le rythme change du tout au tout. Des fulgurances viennent traverser le récit, à l'image de ce bateau qui remonte lentement le cours du fleuve, très lentement... Jusqu'à ce que les Indiens viennent rompre la tranquillité du périple, et amener avec eux inquiétudes et menace. Une menace dont les trappeurs mettront du temps à se défaire, d'autant qu'en parallèle une compagnie de commerce de fourrures, ayant engagé de redoutables mercenaires, se jette toute entière à leurs trousses, avec la puissance et les moyens financiers d'une organisation particulièrement efficace...


Alternants de longs moments de calme, des scènes d'anthologie et des séquences plus animées, « La Captive aux yeux clairs » n'est pas un immense chef-d’œuvre. Pour autant, c'est à mon sens un grand et beau western, et même un grand et beau film tout court. A l'image de cette dernière séquence, qui vient donner une dimension supplémentaire, et même un supplément d'âme à ce long métrage décidément très attachant.


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs westerns, 200 films, Les meilleurs films de Howard Hawks, Les meilleurs films avec Kirk Douglas et 100 westerns

Créée

le 11 août 2018

Critique lue 485 fois

15 j'aime

9 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 485 fois

15
9

D'autres avis sur La Captive aux yeux clairs

La Captive aux yeux clairs
Ugly
8

Ode à la nature

Si on veut pinailler, on peut dire que la Captive aux yeux clairs n'est pas tout à fait un western mais plus un grand film d'aventure qui apparait comme une ode à la nature dont Hawks a su se faire...

Par

le 26 janv. 2020

38 j'aime

46

La Captive aux yeux clairs
Sergent_Pepper
7

Le convoi de trappeurs

Hawks n’a fait « que » cinq westerns, mais il est parvenu à y déployer toute la diversité du genre. Après le film de convoi (Red River) et avant ceux d’une ville aux abois (Rio Bravo et El Dorado),...

le 25 janv. 2018

31 j'aime

2

La Captive aux yeux clairs
fabtx
7

Pieds Noirs et Grand Teton

1939 : les Indiens de La Chevauchée Fantastique représentent une masse emplumée hurlante à cheval, une menace déshumanisée avide de scalps qui fond implacablement sur la diligence et qu'on soupçonne...

le 12 sept. 2011

17 j'aime

2

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

59 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20