Au moment où vous vous rendez compte que l’acteur le plus intéressant du film se fait évincer du cadre par un bellâtre sans le sou qui n’a pas grand-chose à dire, et bien à ce moment là, vous comprenez avec tristesse que la séance va être très, trèèèès longue. Il y a pourtant dans la Chamade l’envoûtante Catherine Deneuve qui obnubile son metteur en scène au point que celui-ci l’assiège de sa caméra pour laisser tout le charme de cette icône glamour redoutable. Chaque battement de cil de la belle, chaque mouvement de sa main est minutieusement préparé, pour faire de son personnage à l’oisiveté maladive un sex-symbol au pouvoir d’attraction indéniable. Mais le portrait est si forcé que tout naturel s’évapore de ses attitudes, rendant factice son casse-tête amoureux digne d’une amourette de lycée.

C’est bien dommage, parce qu’au détour d’une roucoulade forcée, se dessinent des thématiques sensibles, construisant une réflexion sur la place de la femme dans nos sociétés traditionnalistes, dont une non aspiration à être mère semble inimaginable. A cette pensée se mêle également une prise de position soudaine sur l’avortement relativement progressiste pour l’époque. Malheureusement, au lieu de continuer à forger ces intéressantes réflexions, Alain Cavalier préfère sortir marteau piqueur pour conter fleurette à l’hédonisme et l’insouciance.

Il tente bien de retrouver la nuance que sa plume a perdue, et qu’il retrouve partiellement en fin de bobine, lors d’une scène de rupture très émouvante, mais il est bien trop tard pour raviver un intérêt qui est allé décroissant, jusqu’à s’évanouir lorsque la pauvre blondinette se fait enfermer au rayon archive d’une maison d’édition poussiéreuse. A ce moment là, la limite est franchie, la démonstration se vautre dans des clichés irritants pour s’en extirper en citant Faulkner ; pirouette amusante, intrigante même, mais tellement cavalière.

Alors, qu’on s’entende, La chamade possède de belles qualités, à l’image de quelques envolées formelles très réussies, qui témoignent du plaisir relatif que semble avoir pris Alain Cavalier à filmer le luxe, et l’hédonisme qui y est associé sous toutes les coutures, alors que dans les rues de la France la voie d’une contestation populaire commence à gronder. Il est certain que chacun percevra ce film avec sa sensibilité. Pour ma part, étant assez hermétique aux acteurs qui s’écoutent jouer, aux discours portés par une mine trop démonstrative, j’ai trouvé le temps très long devant cette chamade aussi superficielle que le milieu qu’elle dépeint.
oso
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le 18 déc. 2014

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