1h16, pas plus, pour raconter cette histoire d'amants dangereux qui sont accusés d'avoir assassiné leur conjoint respectifs. 1:33, pas plus, pour mettre en image les tourments affectifs du héros. A l'heure du cinémascope et des films à rallonge, Mathieu Amalric opte pour le contre-pied de ce qu'aurait pu donner une adaptation coûteuse du roman de Stendhal. Par ses choix originaux La Chambre Bleue s'impose déjà comme un film de metteur en scène.
La mise en scène, justement, est l'élément le plus pensé, le plus maîtrisé du film. Avec l'histoire de Simenon à l'appui, Mathieu Amalric a pu dès lors se concentrer sur la narration de son film. L'histoire de Julien est racontée par bribes, dans une série de flash-back créée pendant l'interrogatoire du juge en charge de l'affaire. Mais de quelle affaire justement ? Petit à petit on comprendra. Ici, l'histoire se construit autour du personnage central qui comprend à peine lui aussi ce qui lui arrive. Pour inculper Julien et Esther, les policiers vont devoir jauger leur amoure respectif, afin de savoir s'ils étaient capable d'une telle folie. Comment la justice peut-elle juger l'amour d'un homme et d'une femme, chose que l'on ne peut juger soi-même pour soi-même...
Lors de leurs escapades amoureuses Julien et Esther se sont construit une réalité hors du temps jusqu'à ce que le monde qui les entoure se récréer autour d'eux. L'interrogatoire agit comme un puzzle mental à reconstituer tandis que la chambre bleue du titre représente un monde parallèle où les deux amants peuvent vivre leur passion au milieu de leur vie de famille.
En adaptant Georges Simenon à notre époque, Mathieu Amalric signe un film original et éminemment personnel. La Chambre Bleue est aussi un grand film d'amour qui s'interroge sur la passion parfois aveugle de l'homme. Et tout cela en 76 minutes, seule une grande mise en scène était capable de nous en dire autant.