C'est sans aucun doute l'un des plus beaux westerns de John Ford avec la Prisonnière du désert et L'Homme qui tua Liberty Valance, et qui contrairement à son titre français donnant l'impression d'un western tapageur et belliciste, verse plutôt dans la réflexion sensible et nostalgique. Il fait partie de la trilogie que Ford consacra à la cavalerie, après le Massacre de Fort Apache et avant Rio Grande. Et encore une fois, c'est un merveilleux hommage à la cavalerie des Etats-Unis, même si c'est une glorification de la vie militaire qui peut agacer, d'autant plus que la vision de Ford sur la cavalerie est quelque peu idéaliste. De ces 3 films avec John Wayne pour vedette, la Charge héroïque est sans conteste le plus beau et aussi le plus chargé en émotion.
C'est avec ce film que Wayne montrait de réelles qualités d'acteur, talent qu'on lui a souvent contesté ; en 1949, il n'a alors que 41 ans, il se vieillit volontairement pour incarner cet officier au seuil de la retraite qui se voit confier une dernière mission contre les Apaches. En fait, le caractère guerrier du film s'estompe vite devant le caractère émouvant de cette vie de soldat qui s'achève. John Ford s'est attaché aux rapports humains, en montrant avec chaleur les relations entre les êtres, comme ceux du capitaine Brittles et du sergent Quincannon (toujours joué par l'excellent et pittoresque Victor McLaglen), les taquineries de Brittles envers les 2 jeunes lieutenants, le portrait nuancé de la jeune fille au ruban jaune (qui donne son titre au film). Ford prouve encore une fois l'attachement qu'il porte à ses héroïnes.
De même que la relation étrange que Brittles entretient avec son épouse défunte est touchante, notamment dans la scène du cimetière où il "parle" à la tombe en arrosant des fleurs ; dans cette scène qui aurait pu verser dans le mélo ridicule, Wayne prouve encore qu'il est un grand acteur car il parvient à extraire une émotion sincère, autre preuve de la tendresse de Ford dans ce climat rude au milieu des Indiens et des vétérans buveurs de whisky. John Ford était comme on le sait, un grand cinéaste romantique. Sa galerie de personnages secondaires est attachante (Ben Johnson, Mildred Natwick, McLaglen, John Agar, Harry Carey Jr...), et il emploie de vrais Indiens, pas des Blancs grimés (tribu Navajo dont certains sont ses amis).
Ainsi, ce film doté d'une solide partition due à Richard Hageman, et d'une photographie somptueuse mettant en valeur les merveilleux décors naturels de Monument Valley que Ford affectionnait, apparait comme une sorte de chronique nostalgique, comme un soleil couchant, à l'image même du dernier plan superbe où Brittles qui s'en va vers son destin, apprend qu'il est rappelé pour une autre mission.