sept 2009:

Après la méchante déconvenue survenue en découvrant The tall T pour mon premier Boetticher, je posai la galette avec une légère appréhension mais tout de suite, elle s'envola. Comme si un parfum subtil se faisait sentir, dès les premières images. Le cinémascope est toujours le bienvenu personnellement. Ici l'image est bonne, le grain impeccable. La scène d'ouverture est un petit bijou de mise en scène. Après un plan fixe sur de grands rochers pendant le générique, on aperçoit un cavalier (Randolph Scott) qui émerge progressivement de cet amas minéral et phallique. Doucement, il approche, au pas, calme. La caméra le suit. Un léger travelling sur la droite nous amène à découvrir un autre cowboy (James Best) assis près d'un feu et de son cheval qui émet un léger hennissement. Son propriétaire ne bouge pas mais répond que lui aussi l'a entendu. L'action est d'une fluidité remarquable. Randolph Scott est descendu de son canasson et entreprend arme au poing d'escalader le monticule pour surprendre vraisemblablement sa proie. Il n'a pas le temps de jeter un regard furtif vers le foyer qu'il entend l'autre l'inviter à le rejoindre. Dans la continuité Scott passe les derniers obstacles rocailleux et arrive sur la scène face à James Best (le Rosco de Shérif fais moi peur, oui oui!) présentant un superbe plan de son postérieur. Les menottes au cul finissent de nous indique tout de l'histoire entre les deux hommes. Magnifique! Best se lève montrant bien le révolver dans l'étui de sa jambe droite. Tension et suspense, non dits très clairs, on entre de plein pied dans le western. Chapeau... heu... Stetson, plutôt!

On parle souvent d'épure concernant Boetticher. Je maintiens que The tall T est loin de ce que ce terme recouvre dans mon esprit, bien au contraire. Alors que pour ce Ride Lonesome, il convient de manière idéale. Les relations entre les personnages, la concision des dialogues, la clarté des situations, la limpidité de la mise en scène en attestent. Le sublime travail d'écriture fait de ce grand western un spectacle très fin et très agréable à lire.

C'est d'autant plus vrai qu'il distribue une galerie de personnages complexes, avec leurs parts de mystères, leurs desseins floutés. Sans que l'on soit perdu pour autant, car l'histoire n'offre que peu de surprises ; le scénario propose une histoire pleine de doutes et de tensions admirablement bien rendus par des comédiens au jeu simple et efficace. J'admire à ce sujet le peu que Lee Van Cleef nous livre en si peu d'apparitions. Il y met suffisamment d'ambiguité pour troubler l'image que l'on se fait d'un tel personnage. La prestation de Best est très bonne; empruntant au mythe de Billy the kid. Et puis il y a la généreuse plastique de Karen Steele qui en outre dépeint avec sobriété et force le regard dur des femmes de l'ouest. On voit trop peu de James Coburn pour être vraiment ébloui. De Scott, on appréciera avec ses rides mal cachées, les exploits sportifs et équestres, son mutisme qui lui donnent une belle sécheresse, une pudeur et une droiture qui évoquent les grands mythes du western hollywoodien de Wayne à Eastwood. Je ne connaissais pas Pernell Roberts. Son jeu m'a semblé relativement ordinaire et bien souvent je me suis laissé aller à imaginer d'autres comédiens qui auraient donné ce petit plus qui font les grands acteurs. C'est le petit bémol du film.

Poursuite, rachat, vengeance, rapports homme-femme, tous ces thèmes clefs sont plus ou moins interrogés dans ce très joli film, à la beauté en clair-obscur alimentée également par un travail photographique remarquable du chef-opérateur Charles Lawton Jr. notamment lors d'impressionnants crépuscules sur le désert.

Je me suis réconcilié avec Boetticher, pas avec The tall T vraiment très différent dans l'écrit comme dans la forme.
Alligator
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le 23 mars 2013

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Alligator

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