La fin de carrière de Lattuada n'est pas réputée pour briller par sa subtilité et ce n'est pas la Cigala qui se poserait en contre-exemple avec une vulgarité dénuée de finesse : le duo (bientôt un trio) féminin sont des nymphomanes exhibant leur chair sans gêne, les camionneurs sont forcément tous obsédés et lubriques, les femmes ne tardent pas à rivaliser dans les jeux de séduction, y compris entre mère et fille... Le voyeurisme et le racolage ne sont vraiment pas loin et le style très télévisuel de l'ensemble comme l’interprétation ne font que renforcer le manque de sobriété et une écriture aux gros sabots. Le dernier acte est particulièrement décevant et n'évite pas le ridicule au lieu de la tragédie grecque voulue (l'époux a pour surnom Ulysse et le sous-texte freudien est évident). Si la relation triangulaire entre la mère, sa fille-adoptive et sa vraie fille ne manque pas d'intérêt sur le papier, le traitement laisse franchement à désirer.
En revanche, Lattuada est comme souvent plus à l'aise quant il s'attarde surtout sur un personnage féminin et enregistre ses fragilités et ses doutes. Ici, c'est Virna Lisi dans le rôle de la chanteuse déchue qui donne ses meilleurs moments à la Cigala. Rôle très courageux, qu'on s'imagine presque auto-biographique, que celui de cette ancienne gloire qui semble n'exister que pour perpétuer les fantasmes qu'elle pouvait créer quelques années plus tôt. Elle apparait cernée, ridée, le visage bouffi, les traits fatigués, se sentant obligée d'alimenter son image sexuée pour mieux se rassurer.
Les séquences mélancoliques et amères où Verni est confrontée aux affres du temps distillent un malaise et et un vrai sentiment de voyeurisme autrement plus pertinent que les corps à demi-dénudés de ses 2 jeunes actrices.