En associant à son coup de crayon fabuleux la combinaison d’une histoire d’amour bercée par un érotisme torride, d’une fable fantastique rythmée par des thématiques résolument adultes, et d’une poésie morbide particulièrement graphique, Yoshiaki Kawajiri donne naissance à une hypnose visuelle redoutable. Et si les courbes généreuses de ses personnages féminins, avec lesquelles il joue plus que de raison, ne sont pas étrangères à la fascination qui émane de son trait, c’est l’équilibre qu’il parvient à trouver entre des thématiques très noires, un humour graveleux et la légèreté de l’histoire d’amour qui lui sert de fil rouge, qui impressionne.
Où comment en choisissant la simplicité d’un univers qu’il n’explique jamais réellement, préférant laisser la parole à ses dessins, Yoshiaki Kawajiri construit, image clé après image clé, un univers harmonieux que l’on prend beaucoup de plaisir à comprendre parce qu’on le découvre de manière progressive. Il est agréable de ne pas se voir servir toutes les clés nécessaires à sa totale compréhension dès les premières secondes, dans Wicked City, chaque élément rajouté au puzzle contribue à la résolution d’un tableau global passionnant. Forces obscures, équilibre instable entre humanité et monde de l’ombre, pacte de paix à conclure, une trame qui une fois complétée peut paraître simpliste, mais qui, déroulée avec patience et construite à travers l’action, prend tout son sens.
Porté par 3 personnages joliment caractérisés, servi par un savoir-faire magistral quand il s’agit d’user le crayon, Wicked City marque les esprits par sa capacité à jouer le grand écart entre humour bas du plafond et déviance redoutable. Un dessin animé singulier qui témoigne de l’intransigeance d’un auteur bien décidé à aller au bout de ses idées avec un panache certain. Il ne m’en fallait en tout cas pas davantage pour être pris d’une furieuse envie de rafraîchir mon souvenir de son fait d’arme le plus populaire : l’excellent Ninja Scroll.