Ce qui compte, ce n'est pas la destination mais le voyage

Drôle de film. À l'image de son réalisateur, anomalie du cinéma français. Un film où se côtoient tout et son contraire, à commencer par son casting où la vieille garde (Balasko/Lhermitte/Rochefort) se mélange à de jeunes acteurs (Canet/Gillain/Paradis) et Nicloux parvient à rendre tout de petit monde crédible, à rendre tout ça parfaitement homogène. Dans le script aussi, où le thriller vient se mêler à des thématiques plus intimes et à une sorte de récit initiatique sur la paternité.


Eric Vincent (Guillaume Canet, éternel gendre idéal) est un trentenaire à la vie chiante et bien rangée mais qui angoisse de devenir père. Il traite d'ailleurs la question par une pirouette, une blague, il fuit sans cesse le sujet. Il faut dire qu'il ne connait pas son père, lui qui est un enfant de la DDASS. C'est alors qu'il reçoit un coup de fil d'un mystérieux Joseph A, vieil ami de son père, qui lui annonce que ce dernier est mort et qu'il peut venir chercher ses cendres. C'est le début des emmerdes pour Éric Vincent qui n'avait rien demandé et se retrouve pris dans une machination.


Ce qui compte c'est le voyage, pas la destination dit l'un des personnage du film. Comme si Nicloux nous préparait déjà à la déception finale. Il faut dire que La Clef est un beau foutoir, charmant par moments, captivant mais aussi un peu vide. Le film fait se croiser trois intrigues qui vont de relier, dans lesquelles on retrouve les personnages de ses deux précédents films (lesquels forment une sorte de trilogie avec celui ci) : va crever et seul sa fille qu'il a perdu de vue peut le sauver grâce à une greffe et Balasko est une flic endeuillée par la perte d'un enfant qui enquête sur un type louche cramé au lance flamme.

Le mystère fonctionne, on se demande qui était le père d'Éric, quels secrets il cachait et ce que cherchent tous ces gens. D'ailleurs, pendant très longtemps, la menace n'a pas de nom, on les désigne par "les méchants". Sauf que le mystère repose pas mal sur les réponses que vous allez y apporter et c'est là que Nicloux échoue.


Le twist de la double temporalité fonctionne toujours : quand on comprend que l'une des intrigues se passe en fait dans le passé et une autre dans le présent, c'est plutôt bien géré puisqu'on ne le voit pas venir. Mais ça ne change rien au fait que les explications sont confuses et décevantes et qu'on en sort un peu avec une impression de tout ça pour ça. Et si on a bien compris le côté parcours initiatique du personnage qui doit faire la paix avec son passé pour construire le futur, on garde une certaine frustration de ce côté là aussi.


Reste que les parti pris esthétiques et se mise en scène de Nicloux confèrent au film quelque chose de suffisamment intrigant pour qu'au delà de la déception, il reste suffisamment en mémoire pour qu'on y repense. A de nombreuses reprises, par son environnement urbain, crasseux, pluvieux, par ses personnages mystérieux, par son symbolisme, on pense au Blue Velvet de Lynch. Et puis il y a quelques scènes qui restent en mémoire (l'apparition du type au lance flamme dans l'intro à un côté cauchemar).


Drôle de film donc, qui souffle le chaud et le froid


DocteurBenway
6
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le 6 févr. 2024

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DocteurBenway

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