Critique de La Collectionneuse

Rohmer est un génie. Un génie parce qu’il sublime littéralement la vie banale. Un génie, parce qu’avec peu de moyens, il nous fait voyager dans des univers à chaque fois léger, apaisant et dépaysant. Aidé de Nestor Almendros, il permet à Rohmer de saisir des instants lumineux d'une grâce impalpable. Ce film, c'est aussi la rencontre avec un réalisateur qui manie l’art du dialogue avec une intelligence incomparable. D’ailleurs, ses dialogues que certains trouveront lourds, intellos et pompeux sont au contraire d’une légèreté qui nous transcende et qui raisonnent en fait comme des musiques accompagnant l’élégance de ses actrices et de ses acteurs. Les dialogues ne sont pas toujours faciles à suivre mais il ne faut pas forcément les comprendre, il faut davantage les écouter et les voir se mouvoir à travers les corps de ses personnages.

Dans la collectionneuse, Rohmer nous invite en Provence dans une villa à Ramatuelle. Certains trouveront Rohmer misogyne quand Adrien (Patrick Bauchau) s’exclamera « tu n’es qu’une salope ! » en parlant de Haydée. Pourtant, ici, la salope c’est affectueux. Affectueux comme un « connard » balancé par une fille à son prétendant. Voir ce film c'est partir en vacances avec eux et c'est vivre quelques instants oniriques volatiles. On a envie de partager leur vie oisive et simple et avec pour fond sonore le chant des oiseaux et des grillons ; on a envie de se baigner en compagnie d’Haydée. Cette paresse désinvolte de trois branleurs sous le soleil se révèle, devant l'objectif de Rohmer, comme un immense travail de conquête du beau. Rohmer aimait filmer à l’extérieur et ça se voit. La nature qui se dévoile à nous porte en elle tous les charmes de l'été. Ode à l'été, La Collectionneuse est aussi une invitation au voyage, au repos, à la quiétude et la simplicité. Rohmer n’a vraiment rien du réalisateur prétentieux, il est au contraire très simple, très humble et très accessible.