De l’exclu à l’élu
Au carrefour du superbe « Chemin de croix » (2014), de Dietrich Brüggemann, pour le mysticisme violent d’un être encore adolescent ou tout jeune adulte, dans l’Europe actuelle, et de « La Prière »...
le 9 juil. 2020
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Accueilli avec beaucoup d'éloges dans les festivals et sélectionnés pour concourir aux Oscars, "la Communion" ("Boze Cialo", soit "Corps de Dieu" en version originale !) fait a priori assez peur : "inspiré de faits réels" - désormais un véritable repoussoir pour les cinéphiles - et situé dans une Pologne qui retourne à vitesse grand V dans l'obscurantisme du catholicisme, on craignait une apologie "à l'américaine" de la foi, et de la transe religieuse, théorie véhiculée par une affiche maladroite, voire hors de propos !
Heureusement, "la Communion" n'a rien à voir avec tout cela. Il s'agit d'abord d'un film impeccablement scénarisé, entre tragédie intime, comédie sociale et thriller subtil, où la référence à des faits qui se seraient produits n'a absolument aucune espèce d'intérêt (la fascination que nous ressentons tous plus ou moins pour les usurpateurs n'est guère titillée ici...). Il s'agit ensuite, et c'est important pour nous, d'un film où Dieu et la foi n'ont guère de place, mais où le sujet est la capacité de chacun à trouver sa place (dans la société, sur terre...) grâce à la bienveillance, à l'écoute de l'autre, et à ce que l'on pourrait tout simplement qualifier d'honnêteté morale : plutôt que de réciter des prières pour faire pénitence d'avoir frappé son enfant, la recommandation de notre "faux curé" à une mère est "d'aller faire du vélo avec lui". Touchée au coeur par la simplicité des propos de notre "héros" paradoxal, la population d'un village va donc réussir (?) à s'extirper de la haine, du rejet de l'autre, et à pardonner après un accident terrible qui a coûté la vie à plusieurs adolescents : Dieu n'a rien à voir avec tout ça, ni Satan non plus...
La conclusion, extrêmement radicale, qui pourra désarçonner le spectateur qui aurait un peu trop pris de plaisir au déroulement magistral de la belle et tragique histoire qui lui a été contée (même si l'on doit déplorer un coup de mou dans la dernière demi-heure, moins intense, moins "focalisée", ce qui prive "la Communion" du statut de "chef d'oeuvre"), montre que le pire est toujours certain, et qu'il est plus difficile de se sauver soi-même que de sauver les autres. Le dernier plan, saisissant, à la fois définitif dans son acceptation du chaos et suspendu au dessus de l'incompréhensible de ce même chaos, est un véritable geste cinématographique, qui confirme que Jan Komasa est un vrai cinéaste...
... "confirme", car si l'on y repense en sortant du film, même si l'interprétation (la présence naturelle) de l'extraordinaire Bartosz Bielenia est pour beaucoup dans la grande réussite du film, la mise en scène de Komasa a été en permanence d'une justesse, d'une sobriété parfaites, nous offrant le bon regard sur chacun des protagonistes, ouvrant peu à peu notre coeur à cette humanité souffrante que nous jugeons - et condamnons - si facilement sans la comprendre.
"La Communion" est un film qui ne nous parle ni de Dieu, ni du ciel, mais de l'Humanité et de notre place sur terre. Et qui le fait superbement.
[Critique écrite en 2020]
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Créée
le 10 mars 2020
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