De l’exclu à l’élu
Au carrefour du superbe « Chemin de croix » (2014), de Dietrich Brüggemann, pour le mysticisme violent d’un être encore adolescent ou tout jeune adulte, dans l’Europe actuelle, et de « La Prière »...
le 9 juil. 2020
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La puissance de Boże Ciało tient à l’entrelacs du mensonge et de la vérité, le premier apparaissant tel le moyen d’accéder à la seconde. Le réalisateur joue sur l’ambiguïté de l’entrée en religion de Daniel – est-ce par amour pour Eliza ? se fait-il prendre à son propre piège ? a-t-il des motivations plus profondes ? tout cela à la fois – et relate, par une pratique en dents de scie, les incertitudes, les balbutiements d’une clairvoyance qui refuse les rituels consacrés pour vivre et éprouver sa foi au jour le jour. L’idée selon laquelle chaque croyant est son propre prêtre, évoquée en introduction, se voit ainsi filée pendant près de deux heures, la petite communauté rectifiant progressivement son comportement plein de haine et de rejet pour accueillir l’autre et pardonner ; c’est dire que chacun de ses membres tend à devenir, à terme, l’acteur de sa propre intercession avec Dieu. La magnifique photographie du film, que signe Piotr Sobociński Jr., compose par son travail de la lumière et de la couleur tamisée autant de vitraux nouveaux, immortalisés par la fixité relative des plans.
Nous regretterons alors que le long métrage finisse par ériger son personnage principal en avatar du Christ, ôtant son habit sous la croix et courant pourchassé sous une sirène menaçante. Qu’il soit le martyr de sa condition sociale et enchaîné à ses méfaits passés – qui n’ont du passé que la date, réactualisés à chaque rencontre avec un compagnon menuiser –, d’accord ; mais fallait-il pour autant appuyer à ce point une imagerie religieuse qui, insérée dans son récit-cadre, se suffisait à elle-même ? Jan Komasa semble lancé dans une quête de virtuosité technique et esthétique qui concurrence le parcours intérieur et collectif de Daniel ; son long métrage aurait gagné à délaisser l’orgueil inhérent à cette sophistication plastique pour placer sa foi en l’humain et en l’humain seul. D’autant que son acteur principal, Bartosz Bielenia, y est grandiose.
Reste une œuvre intelligente et maîtrisée qui brosse le portrait complexe de la place qu’occupe le catholicisme dans la Pologne contemporaine.
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le 2 févr. 2021
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