Avant de s’attaquer au mythe du vampire, dont on pensait peut être à l’époque de la peinture d’Anne Rice qu’elle était trop maniérée —pauvres fous que diriez vous maintenant des vampires portant des chemises D&G et écoutant Linkin Park ?—, Neil Jordan avait planché sur un autre fondamental : le garou.
Alors moi je suis assez mitigé concernant la Compagnie des loups, contrairement à pas mal de mes estimés comparses sur le site.
La péloche est magnifique, c’est indéniable. La direction artistique est absolument à la hauteur de l’univers : on est dans le merveilleux ; le merveilleux sombre, merveilleusement illustré, construit, mis en image, et insufflé avec maestria. Matte painting, maquette, peintures, décors de studio somptueux, animatronics de haut niveau (même si on atteint pas Rob Bottin), maquillages marquant, costume de bon aloi —merveilleux, je vous dis !
La thématique, nourrie aux frères Grimm et à l’interprétation freudienne des contes, est pertinente, parlante, voire peut être trop évidente, mais tant mieux, ça rappelle qu’à la base les contes c’était pour que les enfants gardent en tête qu’ils n’avaient pas intérêt à faire de conneries sous peine d’embrasser un destin morbide, et non pas en faire de doux rêveurs alors qu’il fallait se lever aux aurores pour bosser avec papa au champs si ils voulaient bouffer. Sales mioches du 21eme siècle, mesurez votre chance !
Neil Jordan fait preuve d’une sensibilité que je qualifierai de féminine, plus tard aussi probante sur Interview with a vampire. C’est une question de ressenti, mais ce romantisme, cette délicatesse dans les caractérisations des personnages, du tissage des liens affectifs voire sensuels, évoque en moi une approche qu’on ne peut qualifier autrement. Et quand je dis féminine, je ne fait pas référence aux torchons récents écrits à la cyprine pour midinettes en fleur (Twilight et con- sorts…), j’essaie de faire allusion à ce regard à la fois doux et fatal, mélange de force primale et de fragilité intrinsèque.
J’aime beaucoup cet aspect du peu de Jordan que je connais, et c’est d’ailleurs la principale attraction du film, bien plus profonde que le decorum, à mon sens.
Mais voilà, il y a dans l’aspect quelque peu glauque pourtant fort à propos, et dans le peu de sympathie insufflée par les personnages (même Lansbury est antipathique !) quelque chose qui ne rend pas le film attachant. Dans le genre conte initiatique sombre sous l’emprise de la fièvre, j’ai beaucoup plus été touché, interpellé et conquis par Paperhouse, petit bijou anglais fantastique à l’onirisme inquiétant, datant de 1988 et que je recommande chaudement aux nostalgiques de leurs délires fébriles infantiles.
C’est évidemment subjectif et de l’ordre du ressenti, mais ce sentiment de ne pas se sentir attaché à un film amène naturellement à ne pas l’apprécier à sa juste valeur, objective. J’assume mais ne dénigre pas pour autant l’œuvre, dont je reconnais les qualités évidentes. Company of wolves reste un film puissant et évocateur.
À voir.