La Comtesse aux pieds nus, c'est avant tout Bogart, et sa présence granitique, la lippe mouillée, le teint hâve, la voix rocailleuse, la clope à la bouche et le pardessus mouillé.
Et Ava Gardner, tout en grâce et en retenue, quoiqu'un rien guindée.
C'est aussi le classicisme de la mise en scène, la lumière parfaite, les décors idéaux, les angles de caméra proprets, les seconds rôles falots mais justes, tout ce dont on est en droit d'espérer d'un film ayant presque 60 ans et porté à bout de bras par Mankiewicz.
Mais une fois que Gardner et Bogart ne sont plus ensemble sur la toile, on s'ennuie ferme. Certes, Mankiewicz s'emploie à égratigner trois mondes différents - cinéma, jet set et vieille noblesse européenne - mais à trop vouloir embrasser, il étreint mal, grattant doucement la surface sans jamais creuser plus profondément jusqu'à la plaie. Je ne doute pas que les thèmes de l'impuissance masculine et de l'indépendance de la femme devaient être délicieusement avant-gardistes il y a 60 ans, remarquez, mais ils sont traités d'une façon si classique que, même en tentant de toutes mes forces de resituer le film dans son époque, je n'ai pas réussi à me sentir concerné.