Le film relate le déroulement de la Conférence de Wannsee, en janvier 1942, pendant laquelle quinze haut-dignitaires nazis vont élaborer les grandes lignes de l'extermination des juifs en Europe.
Ce long-métrage, qui a été diffusé à la télévision allemande, a reçu une montagne de distinctions. L'histoire avait déjà été adaptée en 1984 , puis en 2001 par la BBC avec Kenneth Brannagh, Stanley Tucci ou encore Colin Firth dans les rôles principaux.
C'est donc la troisième adaptation de cet évènement qui est raconté en temps réel puisque la conférence ne dura pas plus de deux heures.
Au premier abord ça peut sembler ennuyeux puisqu'il s'agit d'une conversation filmée entre plusieurs intervenants que l'on a beaucoup de mal à identifier à moins d'être un fin connaisseur de cette période. Un huis-clos, donc, avec des personnages historiques dont le plus connu est certainement Adolf Eichmann, les autres étant soit des secrétaires d'état, soit des ministres ou SS affectés aux territoires occupés à l'Est, représentants de Göring, Himmler, Bormann ou von Ribbentrop entre autres.
Mais, comme pour ses deux prédécesseurs, l'intérêt du film réside dans la manière dont ces gens vont, autour d'une table, décider de comment se débarrasser du "problème juif" comme on décide de la manière dont il faut exterminer des pigeons ou des sangliers. La déshumanisation la plus totale. Ces gens sont pourtant cultivés, éduqués, la majorité d'entre eux possède un doctorat, mais absolument aucun n'aura le moindre état d'âme, la moindre hésitation, si ce n'est d'ordre technique : "doit-on considérer un allemand à moitié juif comme un juif ?" ou encore "doit-on exterminer les juifs mariés avec des allemands non-juifs ?". C'est assez glaçant.
Cependant, si vous ne deviez voir qu'une seule des trois versions de la Conférence de Wannsee c'est celle-ci qu'il faut voir. Et ceci pour plusieurs raisons :
-C'est l'adaptation qui colle le plus aux faits historiques connus. Les versions de 1984 et celle de la BBC essayent de rendre la conférence dynamique en ajoutant des tensions voire des disputes entre les intervenants. Ici elles ne sont pas présentes, du moins ce ne sont pas des tensions mais plutôt des désaccords d'ordre technique.
-Le jeu des acteurs de la version de 1984 est un peu daté. Trop exagéré, parfois sur un ton jovial. Alors que la version de la BBC nous propose un jeu forcément plus shakespearien mais aussi une interprétation un peu plus machiavélique de la part de certains acteurs, ce qui n'a pas lieu d'être. Ici on dépeint ces fonctionnaires ou gradés comme des bureaucrates normaux qui règlent des affaires courantes. Nul besoin d'en rajouter. L'horreur réside déjà dans cette banalisation de la solution finale. Les acteurs n'ont rien à envier à leurs homologues britanniques, bien au contraire Philipp Hochmair (Deutschland 1986) et Jakob Diehl (Dark) sont d'une justesse saisissante. Et en plus ça parle allemand, ce qui est toujours mieux lorsqu'on interprète des allemands.
-Les erreurs commises dans les deux versions précédentes, en particulier celle de 2001 (arrivée en avion, alliances sur la mauvaise main, grades des intervenants, police d'écriture des noms apposés autour de la table, ressemblance physique avec le personnage historique) ne sont pas présentes ici.
-Comme la version de 1984 c'est filmé en grande partie dans la Villa Marnier, lieu où la "Conférence" (qui n'était pas une conférence mais plutôt une réunion avant un déjeuner) eut lieu. La version de la BBC fut filmée en studio.
-Contrairement aux deux autres adaptations, il n'y a aucune musique. Ni pendant le film, ni même durant le générique de fin. Souhait du réalisateur Matti Geschonneck. Ca n'est pas encore du Dogme95 mais ça n'en est pas loin.
Si vous n'êtes pas familier de cette période de l'Histoire, vous apprendrez certainement beaucoup de choses. C'est un film important, à montrer dans les écoles. Si vous avez aimé La Chute, d'Oliver Hirschbiegel, et bien c'est dans la même veine : dialogues, ambiance, jeu d'acteur, on pourrait coller les deux films l'un à la suite de l'autre. Une oeuvre qui reste en tête longtemps après l'avoir visionnée.