Ce film est puissant, puissant au niveau du jeu d'acteurs, puissant au niveau des dialogues et de leur portée humoristique, puissant au niveau de la prise de conscience et de la réflexion qu'il engendre chez le spectateur.
Bernard Le Coq en Chirac est tout simplement parfait, Samuel Labarthe joue très élégamment un Villepin rongé par son aversion profonde pour un homme campé avec brio par Denis Podalydès qui évite l'écueil de l'exagération tout en restituant finement le personnage, sa gestuelle et sa rhétorique. Ce dernier est tellement réussi qu'on en viendrait presque à confondre l'acteur et son modèle, Podalydès devient Sarko et inversement, dans une sorte de confusion très spéciale, que seuls les grands comédiens savent engendrer.
Les (trop) rares moments scènes de dialogues impliquant les trois protagonistes sus-citées sont véritablement succulentes, les petites phrases des uns et des autres provoquant tantôt l'hilarité tantôt l'ahurissement (il en est certaines qu'il fallait tout de même oser !).
On ressent bien toute l'exaspération et la frustration de Villepin devant les gesticulations incessantes du "nabot", à qui il est supérieur en tout, mais qu'il est contraint de voir triompher car il n'est pas animé par la même flamme de l'ambition.
Ce film est également très angoissant, du point de vue de la façon dont nous sommes gouvernés et des motivations (et surtout des convictions, si ce mot possède encore un sens en politique) des hommes et des femmes qui nous mènent. Bien entendu, il ne s'agit que d'une "oeuvre de fiction". Cependant, même sachant cela, certaines scènes font froid dans le dos, notamment le discours de Sarkozy à son équipe de la Place Beauvau pour son premier jour: pour lui, c'est très clair, chaque action qui sera menée le sera pour le mettre en valeur, lui, sans aucune considération pour l'effet, positif ou négatif, que cela pourrait avoir sur la situation de la France et des Français. Je ne suis pas un naïf, et comme beaucoup de gens, je savais déjà ces choses-là avant d'aller voir le film, mais assister à leur mise en scène, voir "en vrai" ces scènes que nous imaginions, fait l'effet d'une sorte de révélateur et nous frappe au visage, nous interpelle.
Il nous rappelle, parfois avec sérieux, parfois avec ironie, l'importance capitale de la mise en scène dans la vie politique, et, partant, que nous devons systématiquement garder à l'esprit que les déclarations devant les caméras et les images diffusées sont mûrement choisies et doivent être prises avec toutes les précautions qui s'imposent. L'image finale du film, accompagnée de la petite musique va bien, est, à ce titre, extrêmement symbolique, l'assimilation de Sarkozy à un artiste de music-hall (l'Histoire ne dit pas s'il est plutôt prestidigitateur ou plutôt clown...) symbolisant parfaitement (peut-être un peu facilement) cette rhétorique de l'apparence (la superficialité ?) qui caractérise la vie politique.