Conquête inutile du béton

Ce ne sont que les beaux photogrammes du film en noir et blanc qui m'ont attiré dans ce traquenard, et un peu aussi la thématique quand même, peu de temps après le choc provoqué par le visionnage de "Earth" par Nikolaus Geyrhalter. On y voyait des ouvriers travaillant dans des carrières et sur des chantiers de construction très photogéniques, et il y avait quelque chose d'attirant jusque dans son titre, "La conquista de las ruinas". Mais non. Non pas que ces aspects soient totalement absents du documentaire, ils sont simplement tout à fait marginaux vis-à-vis de ce qu'a réussi à en tirer Eduardo Gomez — autant dire pas grand-chose. La violence de la réception du film tient sans doute en partie au fait qu'il arrive alors que les images de Geyrhalter sont encore bien présentes, mais pas uniquement. D'un sujet potentiellement très intéressant, l'expansion des zones urbaines entre Argentine et Bolivie, le film n'en tire pas grand-chose. Finalement, les scènes marquantes représentent un tout petit échantillon de l'ensemble, aussi curieuses soient-elle : ces images d'ouvriers en rappel à flanc de falaise en train de buriner la paroi pour faire chuter de gros blocs de pierre font leur petit effet. Mais tout le reste n'est que collection laborieuse de témoignages peu engageants et mal assemblés, avec des ouvriers qui nous parlent de leurs croyances en des manifestations de démons après qu'une sorte de chaman étrange nous ait fait part de ses réflexions sur l'énergie naturelle de la terre qui n'est plus accessible en ville, au gré d'une opposition complaisante entre les avancées du béton promu par les entreprises de BTP et l'appel à la spiritualité digne pires influenceurs mystiques new age les plus pathétiques. En regard de ces éléments, les passages consacrés au travail du paléontologue sont mineurs et le discours sur la "bétonosphère" en lien avec les différentes façons d'habiter le monde (ou encore sur la nécessité de détruire pour créer) apparaît extrêmement faible.