Carine May et Hakim Zouhani nous avaient déjà lancés dans la banlieue avec « Rue des cités », au détour de témoignages, qui brouillait parfois la frontière du réel. C’est pourtant sur ce terrain qu’on les attend avec leur second long-métrage, pleine d’innocence et de naïveté. De la classe primaire à La Courneuve à celle d’Aubervilliers, on continue de graviter au cœur de la Seine-Saint-Denis pour y sonder un peu d’espoir et de couleur dans la vie des plus jeunes, ceux qu’on éduque et ceux qu’on accompagne vers l’avenir. Le postulat de départ ne cache donc pas sa radicalité et martèle assez rapidement l’idée du changement, vers le vert et un mode de vie écologique. Cette greffe passe par un corps enseignant en perpétuelle mutation et ce sera évidemment à travers leur regard et leur supervision, que l’on s’empresse de naviguer entre la raison et les compromis.


Rien ne va plus pour la directrice de l’école Jacques Prévert, Zahia (Rachida Brakni), qui se heurte à une désertion massive de ses élèves et qui a du mal à rassurer concernant la mixité des classes et des ethnies, sachant l’arrivée de nouveaux habitants. Tout son combat la mène à croiser un certain nombre de profils, engagés sur le fil, afin de compléter son équipe et de fidéliser le peu d’enfants restants. Le visage de l’école publique prend donc un coup supplémentaire, là où il faut pour justement qu’on entende et qu’on remarque ses plaies, grandes ouvertes. Cela passe par des budgets insuffisants, mais dont on saura pallier le manque de matériel avec des cours improvisés dans un parc, au plus près de la nature, quand bien même on puisse la confiner entre quatre dalles de béton. C’est ce qui constituera d’ailleurs le long fil rouge du récit, faisant planer l’ombre menaçante de la gentrification, tandis que les locaux y voient une opportunité de se redresser socialement.


De la même façon, la nouvelle institutrice, Marion (Anaïde Rozam), entrevoient une philosophie de l’enseignement par une grande bienveillance, apportée par quelques chants d’oiseaux ou de certains travaux manuels, à même la terre et le bois. Le film s’amuse ainsi à jongler entre les valeurs d’une vie urbaine et celle de la simplicité, prises sous l’angle de l'humour, qui se la joue optimiste. Il s’agit de vaincre par l’unité et une solidarité à toute épreuve, notamment contre l’artificialité d’un environnement qui tend parfois à dévitaliser le décor naturel. Exhiber un petit jardin ne justifie donc rien de plus qu’une nécessité de symétrie, en parallèle de mœurs qui joue sur les apparences. Le fond devrait ainsi supplanter la forme, mais l’intelligence des cinéastes réside dans la sincérité de leurs personnages, qui s’opposent et qui ont autant de bonnes raisons de fuir ou de camper derrière une utopie ludique et accessible à tous.


« La Cour des Miracles » ne cherche donc pas à réinventer les enjeux, mais cherche plutôt à les sublimer, à la force de personnages aussi étourdis que les comptines qui ouvrent le bal. La comédie achève ainsi sa mission, en présentant le dysfonctionnement d’une institution, laissée à l’abandon et aux idées audacieuses, mais ce discours perd rapidement son élan lorsqu’il recycle des écueils et des axes scénaristiques trop évidents. Ce qui doit constituer un regard neuf et moderne, sur la vanité de l’empreinte écologique à ce stade, se doit d’être plus pertinent dans son approche, sans cesse esquivée pour ne laisser qu’une pensée apaisée et une énumération rigoureuse des contradictions sociales.

Cinememories
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le 4 oct. 2022

Modifiée

le 4 oct. 2022

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