La Crise par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Comme on l'entend souvent chez les habitués des casinos: "Rien ne va plus", sauf que là c'est pour Victor marié, père de deux enfants, et exerçant un métier correct de "conseiller juridique". Sa vie est sans problème jusqu'au jour de "l'avalanche". Sa femme le quitte subitement et ce brave homme apprend qu'il est licencié quelques instants plus tard. Lui qui voulait se confier et vider son cœur sur son infortune ne se heurte qu'à un mur d'individualistes. Ses parents qui pouvaient à la rigueur l'écouter et l'héberger sont également en crise puisque sa mère a décidé de divorcer et de refaire sa vie.
Dans son désespoir il va rencontrer Michou, un brave gars un peu simple mais débrouillard et plein de bon sens qui va accepter de l'écouter, de le suivre partout dans une vie d'errance et d'aventures qui s'annonce pleine de péripéties...


La société est souvent sombre. Les amis des jours heureux deviennent indifférents lorsque "la crise" frappe aussi vite que la foudre. Alors on se sent seul face à l'adversité, on en veut bien sûr à ces fameux copains et copines, à sa famille également, mais chacun est aussi susceptible d'avoir ses propres problèmes. Victor s'aperçoit au fil des événements qu'il n'est pas le seul face à l'adversité de la société dans laquelle nous vivons. Les soucis de tous sont peut-être différents mais ils sont bien là.
Les parents de Victor vivent un moment difficile lorsque sa mère quitte son mari pour un homme séduisant plus jeune qu'elle, avec une belle voiture. Son envie de "vivre" a pris le dessus sur la routine d'un mari qui se prélasse. Sa sœur Isabelle veut son indépendance et là non plus Victor ne pourra compter sur une aide même temporaire.
Pour soutenir l'âme dévastée de l'ancien "conseiller juridique" il ne reste plus que ce brave Michou qui suit son "maître" comme un chien. Même à ce stade les deux hommes ont du mal parfois à se supporter. Et pourtant Michou lui aussi les connaît ces galères. Il les connaît tellement qu'il est SDF. Ses propos sur le monde qui l'entoure sont parfois corrosifs, racistes, mais l'homme est pris par les contradictions de la vie, ses paroles n'étant pas en phase avec sa manière d'agir. Bref, avec ses qualités et ses défauts, c'est un homme au grand cœur qui lui aussi a besoin d'une compagnie et de confier ses pensées et ses années de galère à quelqu'un. Pour lui, Victor est le candidat tout trouvé mais cela suffira t-il à rétablir des situations périlleuses ?


C'est un beau cadeau que nous offre Coline Serreau avec ce film qui nous décrit la société actuelle avec beaucoup de réalisme, mêlé à un humour très grinçant. L'intrigue est renforcée par des dialogues aussi inattendus que cinglants et sortant du politiquement correct. C'est vrai que les répliques font mouche et nous démontre qu'un "populiste" a, dans sa simplicité, plus de sincérité et d'honnêteté qu'un "bobo" issu de la "gauche caviar", les propos de ce dernier se différenciant face aux médias et face au bon peuple des marchés du dimanche.
Cela nous démontre également que la solitude n'est pas un simple mot mais une réalité bien affirmée. Personne ne sait ou ne veut écouter celui qui souffre et qui doit se confier pour apaiser son esprit. Le monde de l'individualisme est le roi. L'ami devient un "anonyme" et même une personne que l'on évite parce ses plaintes et sa vie brisée emmerdent son monde. Vive le bien être et zut à la solitude! les mots insignifiants étant loin de remplacer les actes. C'est en fait un monde de lâches qui un beau jour fait sauter le bouchon d'une "cocote minute". Certains en trouvent un bénéfice, d'autres se retrouvent rejetés et d'autres se demandent encore ce qu'ils ont pu faire pour en arriver dans la situation où ils se trouvent.


C'est toute cette hypocrisie de notre société qui est là décrite et dénoncée par la réalisatrice avec talent. Elle est servie pour ce sujet ingrat par une pléiade d'acteurs dont le duo formé par Vincent Lindon, Victor, et Patrick Timsit, Michou, fonctionne à merveille malgré leurs différences. Un autre duo en pleine zizanie se monte extraordinaire, celui de Maria Pacôme, la mère, et Yves Robert, le père de Victor et d' Isabelle, Zabou Breitman.


La liste des actrices et des acteurs tous aussi percutants les uns que les autres est encore longue pour dénoncer ce monde égoïste dans lequel nous vivons et qui est si bien décrit. Elle a observé, elle a fait un constat. On rit beaucoup et pourtant à la fin de la projection on peut se sentir culpabilisé par le parfum de vérité que dégage cette œuvre.


Note: 8/10

Grard-Rocher
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le 13 mai 2018

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