Oubliez Fred, Ginger et autres Gold Diggers, oubliez même les opérettes craquantes de ce bon vieux Lubitsch : la plus extraordinaire comédie musicale des années 30 est française grâce à l’un des auteurs du plus beau des films allemands, et se pique de ne comporter qu'un seul numéro de danse !
Et pourtant qu’est-ce que ça remue… Peaufinant ses cadrages à la photogénie du tonnerre, Robert Siodmak attend à Paris son billet pour Hollywood et en profite pour parfaire un style au dynamisme affolant, capable de s(w)inger toutes les nationalités (et hop je parodie les rangées de girls de 42nd Street, et hop je m’amuse à faire trémousser un plan de Dovjenko, et zou voici Le Million de René Clair envolé). Sur un rythme toujours enlevé et sans utiliser un seul instant les ressorts de la comédie musicale, son film place ses pas dans ceux d’une petite troupe entourant une Danielle Darrieux toute pétillante et un Albert Préjean mèche folle goualant comme jamais, pour esquisser un montage-farandole effréné de sons en tout genre. Bruits, voix, paroles, musiques, chants : de ses premiers plans sur mille jambes nues à son final grandiose, des planches de Périgueux jusqu’à l’Elysée Clichy, tout en lui sans cesse s’agite, s’impatiente, sautille, babille, se trémousse, rouspète, pleurniche (« J’ai peur de Pariiiiiiiiiiiis »), siffle, grommelle, baragouine, débagoule, bavasse, papote, murmure, acquiesce (« Faisons ça ! » « – Oh oui oui oui ! »), s’égosille, gazouille, klaxonne, sermonne, chantonne, fredonne, ronchonne, bougonne, maronne, postillonne, s’ébaubisse, s’ébahisse, s’étonne (« Ooooh, mais qu’est-ce que c’est qu'ce truc-là ? »), gringotte, marmotte, chuchote, barbote, trafique, s’enthousiasme, braille, hurle et crie :
« LA CRISE EST FINI-E ! »
Mes oreilles n’avaient pas dansé comme ça depuis longtemps.
https://www.youtube.com/watch?v=TC3dbk1uHco