Assez fabuleuse, la promotion semblait négliger la politique et ses facettes parfois vulgaires, ou plutôt s’en servir comme d’un outil, pour se concentrer sur une trajectoire hors-norme. The Iron Lady fait de Thatcher un monstre glam-conservateur en omettant relativement l’aspect pragmatique et les assertions (néo)libérales pour parfaire une peinture romantique sur le pouvoir.

Pourtant The Iron Lady prend à revers et dès le début, Thatcher est escamotée. Phillida Lloyd se veut alors fidèle au cadre réel (et actuel) de l’unique femme Premier Ministre du Royaume-Uni, celle-ci vivotant entourée d’une garde indésirable, seule et coupée du monde. Dans le film au moins, elle remplit ce triste quotidien par son monde imaginaire quitte à confondre, quelquefois, ses réminiscences avec des actions en cours, des enjeux à résoudre. Elle est toujours accompagnée de Dennis, son mari qui la conseille et qu’elle-même supervise réciproquement.

Mais l’exhibition du visage décomposé et malade ne désacralise pas l’odyssée ; Phillida Lloyd y voit l’occasion d’une approche théâtrale, réaffirmant son goût de la mise en scène hypertrophiée mais classiciste, hystérique et poseuse à la fois. La décadence se veut sublime, avec une icône en proie à l’angoisse de néantisation de son image et de son Empire. Le spectateur l’accompagne dans cette déchéance mélancolique, rendue flamboyante par le passage en revue des fastes anciens (d’ailleurs même les vestiges naissants le suggèrent).

The Iron Lady est un objet étrange. Jamais il ne trouve un ton approprié qu’il conserverait sur la durée. Au contraire, il est plutôt linéaire dans sa persistance à vagabonder, entre le catalogue de souvenirs, le retour vif mais très court à la réalité, les échappées vaguement oniriques et les erranes tragi-comiques (déchaînements au Conseil des Ministres pour la poll tax), les diaporamas lyriques et ceux un peu plus trash. The Iron Lady passe du drame intime au roman de l’Histoire, mais le premier l’emporte toujours, le second servant d’auxiliaire et toile de fond à l’élaboration d’un portrait de femme extraordinaire, souveraine et brillante. Le film ressemble aux rêveries d’une ancienne gloire devenue gâteuse, au point de peiner à raccorder les éléments de sa vie ; quitte à flirter avec l’abstraction sur le plan narratif (la chronologie mais également le temps de façon générale sont méprisés, au profit des enchaînements et des grands axes).

Ce n’est pas sur le terrain de l’analyse que The Iron Lady marque des points. Il ne s’agissait pas d’évoquer la politique, mais de façonner un film sur le pouvoir, sur l’attachement d’un leader hors-norme à sa vision du Juste et de l’Ordre, sur sa façon de poursuivre son idéal et affirmer sa conception de la Raison – ce qu’elle explique et démontre parfaitement, lors de prises de paroles publiques ou d’exclamations péremptoires.

The Iron Lady est une sorte de puzzle d’un mythe et conte d’une conquête et initiation à la fonction suprême, puis d’une expérimentation synthétisée à l’extrême – pour faire émerger une essence totalement subjective, intuitive et obsessionnelle. Thatcher apparaît comme un bloc uniforme, dont les aspérités et les nuances s’évanouissent dans une marche sans fin et sans jamais l’once d’un relativisme. Ce caractère mouvant, presque baroque, peut aussi être considéré comme une manière virtuose et foutraque de survoler le sujet et d’éviter la prise en compte sérieuse et frontale du règne de Thatcher et ses implications.


http://zogarok.wordpress.com/2012/07/11/sorties-du-moment-3/

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le 19 juil. 2014

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