L'aube d'un Nouveau Monde au Crépuscule d'une Vie

Je suis loin d'être un spécialiste de John Ford, mais je cherche hélas encore son grand film qui me fera vibrer. Et ce ne sera pas The Last Hurrah qui me fera changer d'avis. Bon, c'est un film considéré comme mineur dans l'immense filmographie du monsieur mais qui bénéficie tout de même d'une petite aura confidentielle et qui correspond à la période crépusculaire de son auteur. Sa période qui m'intéresse le plus.


La Dernière Fanfare nous raconte l'histoire de Frank Skeffington qui brigue un cinquième mandat de maire. On suivra toute sa campagne jusqu'aux élections. Chantage, trahisons, communication à l'heure de l'éveil de nouveaux médias tels que la TV et la radio. Un changement d'époque dans les années 50 et les balbutiements des nouvelles technologies au service de la politique. Une info non-stop et parfois toxique aujourd'hui sur l'ensemble de nos écrans. Près de 60 ans sépare le film de la politique actuelle et pourtant il résonne comme un formidable écho de la naissance du monde contemporain.


Malgré le contexte très intéressant, et la manière dont Ford décortique le monde de la politique avec une acuité rare, je retrouve mes griefs habituels concernant son cinéma. Je trouve le film trop long. Enchaînant les scènes sans un véritable liant pour tenter d'aborder plusieurs facettes chez un même homme. Un tendre voyou, séducteur, à l'écoute de la population et notamment des quartiers pauvres, n'oubliant pas sa condition d'immigré irlandais.
Et c'est assez flagrant à quel point John Ford prend un soin méticuleux à caractériser son personnage principal et ses motivations. C'est dommage qu'il ne prenne pas le même recul concernant ses antagonistes et notamment le candidat McCluskey qu'il affronte durant ces municipales. Quel dommage de brosser tant de sujets pour obtenir une confrontation si manichéenne.


Mon autre reproche serait l'humour Fordien qui ne m'a jamais réellement convaincu (contrairement à Hawks au hasard). Le personnage de Junior ou encore Ditto dépeints comme des abrutis finis me paraissent grossiers et hors de propos dans un film à la portée si mélancolique. Non pas que le mélange des genres me gêne, mais je me serais bien passé de certaines scènes embarrassantes à mon sens aujourd'hui. Je leur préfère encore une fois, la malice et le mot juste d'un Spencer Tracy incroyable (quel acteur !) qui fait mouche à plusieurs reprises et non sans une ironie mordante.


Cependant, malgré ces quelques réserves, je dois reconnaître au film sa pertinence sur le sujet. Et bien que ce soit un film d'intérieurs, les quelques plans à l'air libre fonctionnent à merveille et sont d'une beauté renversante (cette photo N&B miam). On pense forcément au superbe travelling ou Frank Skeffington remonte une fanfare (lourd de sens). J'étais persuadé que ce magnifique plan clôturerait le film d'ailleurs. La portée mélancolique n'aurait qu'été que plus puissante.


Bref, même si j'attends toujours le grand chef d'œuvre Fordien qui me scotchera sur place, The Last Hurrah reste un film méconnu à redécouvrir parmi l'immensité du réalisateur borgne.

Créée

le 12 avr. 2022

Critique lue 81 fois

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Tchitchoball

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