1951. Mois d'Aout, d'Octobre ou de Mars, peu importe, tous les jours se ressemblent à Anarene, ville fantôme du comté de Wichita au nord du Texas. Les jours se suivent et se ressemblent donc : le cinéma du coin, joliment nommé le "Royal", le lycée, avec son équipe de foot qui prend valise sur valise (hey, you ever heard of tackling?), le snack-bar et le billard, c'est à peu près les seuls centres d'activité du patelin. La ville est mortellement chiante et la vie rythmée par le claquement des moustiquaires. Qu'y faire quand on est lycéen et en mal de sensations fortes? On s'en invente j'imagine. Et elles prennent souvent l'allure d'ennui. Les ennuis pour lutter contre l'ennui quoi. Flirts, bagarres, adultères, trahisons... Chacun essaie d'y organiser sa vie amoureuse. Les uns sont amoureux, les autres veulent simplement tirer leur coup, certains un peu des deux et certaines cherchent à se caser intelligemment. Financièrement parlant j'entends. Si on devait se caser intelligemment, on ne se caserait pas. Surtout dans l'Amérique puritaine des années 50.. J'ai dit puritaine? Je voulais dire hypocrite.
Le fin fond du Texas en prend pour son grade ; les rues désertes sont balayées par le vent glacial du Kansas et de l'Oklahoma, les baraquements tiennent à peine en place... Heureusement que la caméra de Bogdanovitch est pleine de tendresse pour ses personnages, adultes ou adolescents, garçons ou filles, qui s'ébattent tous sous l’œil bienveillant et protecteur du vieux Sam, Sam the Lion (Ben Johnson est du tonnerre), à qui appartiennent le snack, le billard et le ciné. Il s'y joue entre autres du Minnelli (Father of the Bride) et du Mann (Winchester '73). A la fin du film, comme le reste de la ville, rapidement désertée par ses habitants (déménagement, morts, guerre de Corée...), le cinéma ferme et meurt. Red River sera sa dernière séance et sonnera son glas (Bogdanovitch, le critique et essayiste, adorait Hawks). Leçon de cinéma à tous les niveaux. Et quelle mélancolie.
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