« Am I dreaming your secret ? »
Petit film bien étrange, mélange entre La Forêt d’Emeraude et Take Shelter. On met un certain temps à s’accoutumer à l’atmosphère semi onirique qui lentement dérive vers le fantastique. Le récit qui s’achemine vers une apocalypse discrète oscille entre deux univers, celui des blancs colons d’Australie et la tribu des indigènes dont les rites et la tradition contamine progressivement l’image et le son : didgeridoo, manifestations climatiques étranges…
Certes, l’esthétique a un peu vieilli et certains passages sont un brin désuets (comme la découverte de la grotte tribale ou certains effets de lumière dans les rêves), mais le film reste une réussite en terme d’atmosphère angoissante et de plus en plus déstabilisante, dont la grande force est de ne pas passer par le grand spectacle ou l’effroi grand guignol.
L’essentiel n’est cependant pas là. Le récit prend réellement son sens dans la confrontation des civilisations : ce qui peut passer au départ pour de l’exotisme folklorique (les maquillages rituels, les pierres) chez les indigènes est progressivement substitué par une étude ethnologique des blancs : leur système judiciaire, leurs perruques, leur vision étriquée et protocolaire du réel. Le personnage de Chamberlain, messager malgré lui, pont entre deux peuples qui se cantonne dans leur colonialisme ou leur culte du secret, est plongé dans une solitude dévastatrice, durant de longues séquences sans paroles, où les eaux, silencieuses et progressives, engloutissement le réel.
A travers des allusions aussi diverses (et jamais didactiques) que l’urbanisation, la pollution, la morale ou le colonialisme, le film s’impose, sobrement pessimiste sur le sort de l’homme et sa responsabilité dans la fin d’un monde.