La Dolce Vita est le récit d'un personnage qui recherche constamment et vainement son bonheur. Dégoûté par une vie monotone partagée avec une femme folle de lui mais qu'il ne désire plus, attiré au contraire par une vie d'aventures, de joies, et d'excès ; Marcello ne sait trop quelle orientation donner à sa vie. Il affronte une crise existentielle.
La vie qu'il a établie avec sa femme Emma est en effet présentée, dès le départ, comme chaotique. Ils vivent dans un petit appartement à moitié vide, dont la frugalité entre douloureusement en contraste avec le luxe du beau monde qu'il fréquente. A cette pauvreté s'ajoute le poids d'une vie de couple qui va à vau-l'eau, ponctuée par les tentatives de suicide d'Emma, et envahie par sa jalousie obsessionnelle. Rien d'attirant ni de désirable dans ce couple dont l'amour s'est épuisée, et dont il ne reste qu'une flamme maladive.
A cette vie essoufflée et triste, s'oppose celle de Marcello journaliste, confronté aux grandes célébrités, au monde des people, aux amours éphémères et aux lustres de la société bourgeoise. C'est un panorama de cette vie d'excès, un peu folle et pleine de passion, que nous offre le film à travers les multiples rencontres et soirées festives auquel participe Marcello, présentés dans de courts épisodes successifs.
Ce qui est particulièrement touchant dans ce film, c'est précisément que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la vie de plaisirs qui s'offre à Marcello ne le satisfait pas plus que sa vie de couple durable avec Emma.
Il semble avoir conscience du caractère purement spectaculaire de cette vie mondaine, et le film nous montre que le bonheur qu'il cherche dans cette vie est inatteignable (la scène du baiser dans la fontaine de Trevi ne symbolise-t-elle pas l'impossibilité d'atteindre cet absolu qu'est le bonheur, qu'il ne peut jamais que frôler ? La soif du désir qu'il ne peut jamais assouvir ? La fête finale ne montre-t-elle pas que cette vie d'excès ne mène qu'à la déchéance?). Marcello est d'ailleurs attiré par la vie posée de son ami Steiner, homme cultivé, de bon goût, entouré d'artistes, baignant dans une vie calme et sereine. Steiner symbolise ainsi le goût qu'avait autrefois Marcello pour l'art, et lui rappelle ses ambitions littéraires déchues. Mais cette vie de Steiner se termine elle-même par une catastrophe qui montre l'impasse à laquelle elle semble mener (ce même Steiner confiait plus tôt à Marcello qu'il avait peur de cette vie si sereine, qu'elle lui déplaîsait, le confrontant elle aussi à une angoisse existentielle). Les deux modèles de vie, celle d'un homme posé comme celle de l'homme aventureux ; mènent à une impasse.
Le film n'offre pas de solutions à ce dilemme, et ne fait qu'exposer avec une certaine amertume la mélancolie inhérente à ces hommes, qui semblent être condamnés à n'être jamais comblés, à être toujours malheureux. Fellini ne fait qu'observer l'absence de solutions, sans juger ces personnages et leur vie. Tous sont également rongés par l'insatisfaction. Ce film est ainsi l'exposition d'une société désenchantée, perdue, sans repères, sans attaches fixes qui la guide, qui répondraient à ses interrogations : « C‘est elle qui a raison et moi qui me trompe. Nous nous trompons tous ». Les personnages sont capables de suivre une voie puis d'en choisir une autre à quelques minutes d'intervalles. Ces hommes abîmés sont ainsi capables des pires excès dans la vaine poursuite de leur bonheur (rappelons que le film fit scandale à sa sortie pour la scène d' « orgie » qu'il mettait en scène dans la dernière partie du film).
Une aura pessimiste traverse donc l'ensemble de l'oeuvre, que seule la scène finale – dans laquelle Marcello revoit de l'autre côté de la rive la jeune fille qu'il avait croisée plus tôt dans un petit restaurant – vient tromper. Fellini conclut un film sur la décadence, sur l'insatisfaction, sur la tristesse et le désespoir; par cette image d'une jeune fille au sourire serein et comblé, que Marcello ne comprend déjà plus. Comme une note d'espoir quand le bonheur ne semblait qu'une chimère inaccessible à toute cette société, comme une aube dans un monde qui avait sombré.