Il existe au Japon une facheuse tendance à occulter toute forme de négativité qui puisse remettre en cause le consensus social. Le pathos est ainsi réduit à une problématique purement individuelle qui ne doit jamais venir heurter la structure politique établie. L'émotion se trouve donc cloisonnée sans que jamais elle ne puisse rejoindre une quelconque vision critique de l'ordre des choses. Nous en avons une démonstration caractéristique avec ce film qui tout en évoquant longuement la catastrophe provoquée par le tsunami de 2011, le problème de la mémoire des survivants vis à vis des disparus, ne dit pas un mot du désastre nucléaire de Fukushima qui l'a accompagné et de ses conséquences funestes sur des dizaines de milliers de japonais. Pour eux, il n'est même pas question de reconstruire puisque leur région est devenue inhabitable. Ceux-là sont juste autorisés à se taire.
L'émotionnel est donc à géographie variable au Japon, ce film participant à tracer les limites de ce qui est autorisé, de ce que le système autoritaire japonais veut bien permettre et qui ne remet pas en cause ses décisions . En l'occurence, celle qui consiste à relancer son programme nucléaire et à accélérer la construction de nouvelles centrales.
Il y a quand même des limites à la distraction et ici, il faut donc comprendre que derrière sa forme gentillette, "La famille Asada" est un film indiquant l'espace de résilience autorisé, celui qui ne nuira d'aucune manière à la domination. Pour le reste, silence, on n'en parle plus !
Une insulte à la mémoire, justement.
On consultera avec intérèt sur ce sujet, https://www.senscritique.com/livre/Contre_la_resilience/44263551