Si le film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? a su se faire un nom tout au long de l’année 2014 (marquée sous le signe de la comédie française) au point d’en devenir le roi du box-office annuel, celle-ci s’est bouclée avec succès grâce à La famille Bélier. Une comédie dramatique ayant un sujet qui porte sur un handicap spécifique (ici, la surdité) et ayant fait fureur auprès du public (plus de 7 millions d’entées)… cela ne vous rappelle rien ? Intouchables, bien entendu ! Mais il faut bien avouer que faire une comparaison entre le film d’Éric Lartigau et du tandem Éric Toledano/Olivier Nakache ne serait pas équitable vis-à-vis du premier, étant donné qu’il est loin de lui arriver à la cheville alors que ses attentions sont bien ailleurs.
Le but premier de La famille Bélier ? Détendre, cela va de soit ! Mais ce n’est pas d’avoir le scénario de l’année ni de balancer des répliques hilarantes à foison au point d’en devenir exagérées dans les situations présentées. Ici, l’objectif est de faire découvrir un univers aux spectateurs. Celui des sourds, que le long-métrage arrive à retranscrire avec savoir-faire, l’utilisant à bon escient pour titiller l’intérêt du public. D’une part pour le côté humoristique de l’ensemble, proposant quelques séquences et répliques véritablement rigolotes, qui feront sourire sans aucune difficulté. De l’autre pour l’aspect dramatique, arrivant à livrer des moments extrêmement touchants qui pourront même faire couler une petite larme chez les âmes sensibles (le final avec la chanson Je vole de Michel Sardou en est le parfait exemple). Tout cela, nous le devons à une ingéniosité du long-métrage : nous montrer les malentendants pour ce qu’ils sont réellement, à savoir des personnes tout ce qu’il y a de plus « normales », la surdité paraissant comme une caractéristique et non un handicap. Des gens se vannant entre eux, ayant des liens familiaux, osant des choses sans se soucier de leur infirmité sonore (Rodolphe se lançant dans une campagne municipale)… tout ce qu’il faut pour s’attacher aux personnages et d’être captivé par les moments qui nous sont proposés (le langage des signes en action, la séquences du spectacle de fin d’année…). Bref, d’être touché par cette Famille Bélier !
Il faut dire aussi que ce constat, le film le doit également à sa distribution, tout bonnement aux petits oignons ! Alors oui, Louane Emera s’en sort très bien étant donné que la comédie n’est pas sa profession première. Mais elle ne fait franchement pas le poids face à ses complices du moment. Déjà ceux qui interprètent ses parents, à savoir Karin Viard et François Damiens, deux comédiens talentueux qui se glissent avec une aisance folle et un naturel bluffant dans la peau de ces deux malentendants. Et puis vient Luca Gelberg, un véritable garçon atteint de surdité qui étonne à chacune de ses apparitions à l’écran, en sachant que comme pour Louane, la comédie n’est pas son exercice de d’habitude. Le tout en passant par de nouvelles têtes honorables (Roxane Duran, Ilian Bergala…) jusqu’à un jouissif Éric Elmosnino, excellent comme toujours. Tous donc, par leur interprétation de qualité, parviennent à donner de l’ampleur à leur personnage respectif. À les rendre diablement attachants. Un atout non négligeable dont La famille Bélier a su en tirer toute sa force !
Mais malheureusement, ce n’est pas qu’avec un cœur réchauffé par les bons sentiments que vous sortirez du visionnage. Vous aurez également droit à une certaine frustration, celle qui donne à penser que le film aurait très bien pu être meilleur que cela. La faute responsable de cette insatisfaction : le scénario. Même si l’écriture n’était pas l’objectif principal de La famille Bélier, il ne fallait pas l’oublier pour autant. Or, le script du long-métrage en décevra plus d’un, étant d’une banalité juste affligeante. Vous enlevez l’univers de la surdité, vous obtenez une chronique adolescente mille fois vues : une lycéenne un chouïa rebelle (il suffit de la voir avec ses professeurs) qui va se découvrir un don (le chant) tout en faisant face à des problèmes de son âge (choisir entre sa famille et son avenir) et une romance à l’eau de rose. Voilà ce qu’est véritablement La famille Bélier qui entache son sujet et ses personnages dans un ramassis de clichés et autres stéréotypes empêchant l’intégralité des spectateurs d’entrer pleinement dans l’histoire.
Mais la plus grosse erreur du scénario vient également du fait que le film porte l’étiquette de chronique adolescente. Par là, il faut entendre que malgré un titre qui englobe plusieurs personnages, le long-métrage ne se concentre que sur la jeune Paula (jouée par Louane). Il n’y a qu’elle à l’écran, l’histoire ne concerne qu’elle… bref, elle est l’héroïne principale de La famille Bélier. Et à cause de cela, le film oublie de mettre en valeur les autres protagonistes, au point d’en saccager les trames secondaires qui répondent pourtant présentes. Ces dernières attendent encore d’être développées (la vie professionnelle et personnelle de Thomasson, l’accident de Gabriel…) ou sont carrément abandonnées en cours de route (Rodolphe tentant sa chance à la municipalité, la relation entre Mathilde et Quentin…). C’est fort dommage car, si le film s’était bien plus intéressé à tous ses personnages et pas qu’à Paula, on aurait pu avoir quelque chose de bien plus captivant et non qu’attachant.
La famille Bélier mérite-t-il son succès populaire ? Vu son sujet et comment il est traité, ses personnages et son aspect touchant, le long-métrage d’Éric Lartigau n’a pas volé son score au box-office et son statut de divertissement qui fait chaud au cœur. Est-ce la comédie de la décennie pour autant ? À cause d’un scénario laissé aux oubliettes, nous sommes bien loin d’avoir un long-métrage mémorable. Au lieu de vouloir le regarder à tout bout de champ, vous serez juste ravis de le revoir à l’occasion, ni plus ni moins.