Grande amatrice du film historique, je suis généralement soucieuse de retrouver des faits, une ambiance, des apparences et un vocabulaire propres à l’époque traitée. Je ne supporte pas les anachronismes gratuits ni le côté Secrets d’histoire de certaines réalisations. Mais dans La Favorite, je n’ai même pas eu l’occasion de pinailler sur cette histoire de vérité historique, simplement car le film ne m’en a agréablement pas donné l’occasion.
Je ne m’attarde pas sur l’excellente performance du trio d’actrices qui est indéniable, chacune symbolisant des enjeux de pouvoir, de rang, de reconnaissance et d’amour (oui). J’aimerais essayer d’exprimer comment et pourquoi ce film est sûrement le fer de lance d’une nouvelle façon de concevoir le film historique.
Ce bout de règne et ses personnages historiques ne servent qu’à planter le décor pour tout autre chose. On ne regarde pas La Favorite pour se documenter sur le XVIIIe siècle anglais. L'époque n'est pas importante, ici c'est intemporel ; il y a peu de précisions sur la politique intérieure, tout comme sur les affaires étrangères. Les seules informations que nous avons sont souvent tournées en dérision, surtout par la reine Anne qui a juste la flemme de gouverner et qui veut seulement manger des gâteaux en caressant ses lapins.
On ne montre pas une cour aux mœurs particulièrement dissolues non plus : on préfère les courses de canards aux scènes de cul. D’ailleurs si celles-ci existent, ce n’est pas gratuitement et elles restent maitrisées, laissant aux dialogues le soin d’être crus et contemporains.
Le visuel et le sonore, qui peuvent paraître insupportables aux premiers abords, occupent une place essentielle dans cette construction d’un nouveau genre historique. Je vois dans la manière de filmer en fisheye un côté science-fiction qui fonctionne très bien avec l’association de ce thème musical récurrent, malsain et grésillant. Cela sonne comme une musique baroque périmée qui amplifie ce triangle relationnel toxique dont on ne sort jamais.
Il est intriguant de voir qu’en prenant tous les mauvais côtés d’une cour royale, on arrive à en tirer quelque chose d’aussi réfléchi et esthétique. La Favorite n’a rien à envie au Ridicule français, qui lui ne parvient pas à montrer la grossièreté sans passer par l’exploitation pédante des jeux de langage.
Ce que je déteste habituellement, c'est ce que j'ai aimé.