C’est le genre de film qu’on aime sans trop comprendre pourquoi. L’histoire est diablement enivrante, avec ses trois personnages féminins hautes en couleurs emmêlées dans un triangle amoureux où la manipulation et les menaces sont des armes redoutables. Chacune des trois femmes a des objectives bien distincts et chacune n’hésite pas à utiliser, manipuler, tromper les deux autres pour parvenir à ses fins. C’est une histoire d’amour comme on en voit rarement, une histoire de survie abordée d’une façon intéressante, une histoire d’ego aussi. C’est parfois enfantin, pittoresque, et pourtant il y résonne un certain réalisme dans la construction et destruction de ce triangle et des équilibres des pouvoirs. Il y aura également le contexte historique en arrière-fond, qui viendra faire avancer l’intrigue mais demeurera tout aussi intéressant dans ce qu’il met en place.
Le casting est dans l’ensemble correct, mais il est indéniable que le trio d’actrices éclipse tout le reste. Nicholas Hoult et Mark Gatiss seront plutôt bons, mais aucun ne réussit à faire le poids face à Emma Stone, Rachel Weisz et Olivia Coleman. Et c’est d’ailleurs plutôt bon que chacune des trois excelle dans son propre rôle, car cela cimente d’autant plus l’équilibre du triangle : il suffisait que l’une soit au-dessus des autres ou en-dessous, et le film se serait effondré de lui-même. Chacune est éblouissante, chacune fait contre-poids aux autres et chacune aura droit à plusieurs scènes pour montrer l’étendue des facettes de leur personnages.
Sur l’aspect technique, j’ai été plutôt convaincu, sans grande surprise (avec la ribambelle de nominations aux précédents Oscars). Pas trop fan de la musique, mais elle participe à créer une ambiance parfois surréaliste par rapport au contexte historique, ce qui est aussi accentué par certaines mise en scène et le choix des objectifs grands angles pour beaucoup de plans. Ceux-ci accentuent le vide des décors magnifiques dans lesquels évoluent les personnages, comme pour souligner leur solitude, quand c’est parfois pour réunir tous ces personnages et accentuer comment chacun s’éloigne de l’autre. Le clivage devient non seulement narratif mais aussi visuel, rendant les confrontations d’autant plus directes.
Un film plutôt bon dans l’ensemble. Pas mon préféré dans le scrutin des précédents Oscars, mais il reste de très bonnes qualités, parvenant à échapper aux carcans académiques de ce genre de films.