La Belle Ingénue

Fritz Lang n'avait guère une haute estime pour La Femme au Gardénia, et c'est dommage car si l'oeuvre n'est pas essentielle dans la carrière de l'allemand, elle n'en reste pas moins intéressante à plus d'un titre.

La Femme au Gardénia surprend d'abord, l'intrigue policière vendue par le synopsis n'arrive qu'après une bonne demi-heure de film et Lang met parfaitement bien en place le récit, avec une chronique plutôt légère et une intéressante présentation des personnages. Après ça, il mue son oeuvre en policier, avec une dose de romance, et si l'ensemble reste convenu voire prévisible, il n'en reste pas moins intéressant, ainsi qu'assez efficace.

Il n'hésite pas à brouiller les pistes, jouant avec les images et différentes directions de scénario, s'attardant surtout sur la présumée coupable qui va tenter de prouver son innocence tout en fuyant la police. Adaptant l'un des romans de Vera Caspary (à qui l'on doit Laura, brillamment adapté par Otto Preminger en 1944) et comme il le faisait régulièrement dans les films noirs qu'il mettait en scène, il glisse un aspect psychologique dans l'écriture, ici par le prisme de sa protagoniste, paralysée par ses propres sentiments, jusqu'à douter de ses propres actes.

Cet aspect-là est le plus intéressant du film, tant il permet à la fois de créer le doute sur le déroulement des événements, et d'apporter une profondeur pour ce personnage, dont une complexité qui la rendra bien plus intéressante que ceux l'entourant. L'aspect romance est moins intéressant, l'un des points montrant un Lang moins inspiré, mais il bénéficie d'une remarquable Anne Baxter, qui se révèle en plus bien accompagnée, notamment par Richard Conte, Ann Sothern et Raymond Burr.

Si Fritz Lang s'est déjà montré plus inspiré qu'avec La Femme au Gardénia, il met tout de même en scène une oeuvre intéressante, un polar lorgnant vers la romance et un aspect psychologique, avec de remarquables comédiens et un scénario qui n'est pas dénué de bonnes idées, malgré un côté convenu.