L'exploitation de l'adultère et l'histoire sont conventionnelles, mais le point de vue subjectif, littéral, de l'homme, apporte un bonus. La qualité d'écriture ('donc' des dialogues), le charme de l'actrice (Isabelle Carré, l'érotomane plus tard dans Anna M.) et les divers écarts à sa morale et aux prévisions de la femme maintiennent l'attention. En passant ils évitent au dispositif de rester simple gadget, car le spectateur est placé sur le théâtre des opérations séductions et des négociations, en prise avec toute la subjectivité de ces moments, sans passer par les récompenses, les méditations mais aussi la vie privée de l'un et de l'autre.
Manifestement habitué à rationaliser et se défendre avec la rhétorique (exposant parfois des théories pompeuses et bien vaseuses, valant presque l'idéal confus de son amante), François s'en sert d'abord pour essayer de retourner Muriel, faire avancer le jeu ; il veut des aveux et elle des engagements. Il rêve d'acquis et elle de garanties. Lui a peur de saper la partie routinière de sa vie, finalement ; il veut l'avoir, mais aussi la tenir à distance, la mettre derrière une cloison, éventuellement à disposition certains jours. Elle est moins froide et plus futée, avec davantage de marges et donc plus que nécessaire car les risques sont d'abord pour lui. Elle s'emporte mais sait de toutes façons s'échapper, prend l'ascendant sur lui en le poussant à des sacrifices, installe des barrières même quand elle semble rangée à ses côtés, laisse peser la menace d'une rupture inévitable alors qu'elle se livre.
Le film fonctionne sur leur course et les retournements mutuels (chacun renvoie les mots ou les promesses de l'autre pour gagner la partie), les frayeurs ou petites aliénations de chaque côté. François est plutôt l'idiot à la fin de l'histoire même s'il n'y a pas perdu. Chacun était plus cynique qu'il en avait l'air, quoique le spectateur n'ait accès (à quelques secondes près) qu'aux interactions. En tout cas leur équilibre est ailleurs – François jauge le sien avec une once de morgue et beaucoup de satisfactions. Philippe Harel se donnera à nouveau un des deux rôles principaux et celui du piteux 'héros' dans Extension du domaine de la lutte, la première adaptation de Houellebecq. Il tourne cette Femme défendue dans la foulée des Randonneurs, comédie populaire largement diffusée où il dirige notamment Poelvoorde (à nouveau sept ans plus tard dans le belge Vélo de Ghislain Lambert). Son premier film sorti au cinéma porte le titre d'un chaînon manquant entre Extension et La femme défendue : L'homme qui voulait qu'on l'embrasse (1994).
https://zogarok.wordpress.com/2017/01/05/la-femme-defendue/