Vu les notes désastreuses qu'il se ramasse ici, j'ai envie de défendre ce film qui ne mérite pas tant de mépris. J'ai l'habitude de cet exercice et j'ai des arguments, mais j'avoue que je comprend mal pourquoi ce film déplait autant ici, faut lâcher du lest les gars, faut pas tout prendre au sérieux, et se laisser porter par plusieurs éléments positifs.
Avant tout, il y a une ambiance, c'est celle des années 60, dont ce polar est typique, il capte des gimmicks et petits détails qui font l'intérêt de ces polars décontractés des sixties, moins ouvertement noirs que ceux des années 50, parfois plus réalistes, mais non moins violents, c'est ce que je qualifie de polar "lasvegasien" ou dans le cas présent, de polar "floridien" (parce que l'action se situe à Miami), dans les deux cas, ça signifie que ce sont des polars qui ne se déroulent ni à Los Angeles ni à New York, d'où un côté plus relâché, plus cool et moins sinistre en terme de décor. Les intrigues de ce genre de film ne sont pas non plus très recherchées, c'est plus décontracté, et il y a parfois un côté pas sérieux, mais c'est justement ce qui me plait là-dedans, cet aspect un peu conventionnel qui ressemble aux séries télé de l'époque, ça me rappelle une période encore insouciante avant que les années 70 n'amènent le Vietnam, les hippies, la drogue, la contestation et les tourments qui vont avec tout ça.
Frank Sinatra retrouve le personnage de Tony Rome, le détective privé gouailleur et à la coolitude sympathique, rôle qu'il avait déjà tenu dans Tony Rome est dangereux réalisé l'année précédente par le même Gordon Douglas ; Sinatra on aime ou on n'aime pas, il se trouve que moi je n'ai jamais aimé cet acteur, mais ici, je sais pas pourquoi mais j'arrive à le supporter, sans doute parce que le personnage rappelle beaucoup le Philip Marlowe de Raymond Chandler, c'est son héritier direct, un solitaire qui vit sur un bateau et qui séduit de jolies filles, et aussi parce que le réalisateur imprime un ton plaisant à son film, mélange habile de péripéties où le mystère et l'action se combinent à un humour très décontracté, parfois cynique. L'enquête en elle-même n'est pas entièrement inintéressante, elle s'appuie sur des éléments très chandleriens, un peu compliqués comme il se doit, mais modernisés et arrangés à la mode sixties. La scène d'ouverture où Tony Rome découvre la femme nue coincée dans le bloc de ciment au fond de la mer, est révélatrice du courant légèrement érotique qui enveloppait le polar moderne des 60's, tout comme la musique (par moments envahissante) de Hugo Montenegro qui scande chaque action, annonçant le style jazzy de Lalo Schifrin dans Bullitt.
Autre atout, Sinatra est bien entouré, on y trouve la superbe Raquel Welch, peut-être plus utilisée comme potiche décorative, Richard Conte (qui rappelle les polars noirs à l'ancienne), et une bonne surprise avec Dan Blocker, ancien héros de la série Bonanza, qui rappelle le géant Moose Malloy de Adieu ma jolie ; son allure de gangster au coeur tendre et ses éclairs de violence font de lui un authentique personnage de ce genre de polar. Voici donc un bon film noir adapté à son époque, un film qui ne vise que la détente et rien d'autre.

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le 27 juil. 2019

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Ugly

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