La Femme et le Pantin, réalisé par Jacques de Baroncelli qui m'était jusqu'alors totalement inconnu dans le paysage cinématographique muet français, trouve sa raison d'être presque entièrement dans un personnage unique : la jeune danseuse espagnole interprétée par Conchita Montenegro, une réelle danseuse et actrice non-professionnelle à l'époque de la sortie du film. Elle incarne une variante hispanique de la femme fatale, une vamp ibère qui rend complètement dingue un homme fortuné qui s'ennuyait dans son train, bloqué par la neige, en direction de Séville. Dès sa première rencontre, en s'interposant au milieu d'une bagarre entre deux femmes, il ne parviendra jamais à se départir du lien magnétique qui l'unit à cette danseuse.


Et il faut dire que le charme de Conchita est vénéneux, électrisant, envoûtant, et magnifiquement mise en scène dans ce film de l'époque du muet très mature — et qui plus est dans une version superbement restaurée. Et je ne dis pas ça uniquement parce que le film nous fait grâce d'une séquence érotique particulièrement marquante dans laquelle la jeune femme danse presque entièrement nue.


Tout le film est structuré autour d'un événement qui ne surviendra jamais : la femme ne laissera jamais l'homme succomber à ses désirs, elle sème la sensualité et les pensées lubriques sans jamais donner quoi que ce soit en retour. C'est une sorte de lutte entre les hommes et les femmes, entre les classes aisées et les plus modestes, dotée d'une puissance plurielle surprenante. Je ne l'ai pas vu venir, en tous cas. Incroyable à quel point la luxure est suggérée pendant deux heures sans jamais y céder, témoignant une audace renversant pour un film des années 1920 — le parallèle avec nos années 2020 est très étonnant à ce titre, un siècle plus tard.


Un film sur l'exploration du désir, sur son exploitation aussi, à travers un jeu constant entre promesse et frustration. Autant Raymond Destac ne brille pas incroyablement dans le rôle du pantin éponyme (mais c'est sans doute en partie un parti pris), autant Conchita Montenegro brille dans ce rôle cousin de certains de Marlene Dietrich, figure brûlante de la domination d'une femme.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Femme-et-le-Pantin-de-Jacques-de-Baroncelli-1929

Morrinson
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le 7 juil. 2022

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