J'avoue que la première minute après avoir lancé le film, ne sachant rien du tout du sujet, je me suis demandé, à la vue de la photographie, s'il ne s'agissait pas d'un film de boules des années 70 et si je n'allais pas tarder à voir débarquer Brigitte Lahaie... Bon il est vrai que je ne suis pas familier avec Michel Bouquet, je n'ai donc pas su le reconnaître. N'empêche que ces filtres sur l'objectif, ce découpage et le son fait en post prod (du moins c'est mon impression au vu de certains décalage et de la différence de ton lors de certains dialogues) m'ont inspiré de grandes craintes, puisque ma tendre moitié était assise à côté de moi. Ni une ni deux, comme elle va se chercher un rafraîchissement, j'en profite pour faire une avance accélérée. Je tombe bien sur une scène où la ravissante Stéphane Audran est en sous-vêtements mais ça ne semble pas aller plus loin. Rassuré, je remets le film au début à temps.
J'ai beaucoup aimé l'ambiance. Quelque chose du giallo pour certaines compositions de plans et surtout l'aspect presque fantastique de certaines scènes. Sans parler de ces répliques qui sont hors ton (doublage post synchro?) et qui renforcent une impression surréaliste. Les acteurs ont aussi un jeu étrange, robotisé. Parfois cela donne quelque chose de subtil et puis parfois c'est complètement surjoué. Cela fonctionne. Tout est bizarre. Enfin, la musique qui impose quelque chose de grace dès le début. Là aussi c'est surréaliste, pourquoi une musique aussi inquiétante alors qu'au début nous n'en sommes qu'à de simples soupçons (quoique... en tous cas rien ne prédit ce qui arrivera 40 minutes plus tard). Tout cela confère au film des allures un peu Z par moment. On rit, on est mal à l'aise, c'est sérieux mais en même temps comment prendre tout cela au sérieux. Et puis bardaf, on sombre dans l'horreur, d'un coup. On ne s'y attend vraiment pas. Ou plutôt on s'y attendait, mais l'auteur a tellement désamorcé cette idée en nous que lorsque ça arrive on ne peut être que brusqué.
De la sorte, Chabrol ne fait jamais que renforcer sa critique de la bourgoisie hypocrite. C'est fort, c'est beau, c'est fin, c'est gros. Narrativement, on n'évite pas quelques chutes de rythme. Il faut dire que le scénariste aimer perdre son spectateur. D'abord on ne sait pas de quel genre de film il s'agit : romance, thriller, voire horreur si on tient compte de la mise en scène inquiétante. Ensuite parce que les objectifs se précisent au fil du film. Et même qu'ils changent en cours, en réaction à ce qu'il se passe. Enfin parce que les personnages agissent bizarrement. Ils ne sont pas incohérents pour autant. Ce sont des personnages complexes à 2 traits de caractère. Michel Bouquet incarne un homme fou amoureux mais aussi un homme dans la retenue. Son sursaut psychologique à la 40ème minute n'est jamais qu'un conflit entre ces deux traits de caractère.
C'est d'ailleurs là tout l'intérêt d'avoir un personnage complexe. Complexe ne signfie pas personnage qui a autant de traits de caractère qu'un être humain. Si c'était le cas, le film n'aurait aucun sens. Un film se doit d'épurer la psychologie de s'attaquer à l'essentiel uniquement. Un personnage simple ne possède ainsi qu'un seul trait de caractère. Un personnage complexe en possède au moins deux. Et l'idéal est donc que ces deux traits se croisent dans toute leur contradiction. Être un homme de la retenue et être fou amoureux en même temps, cela donne lieu, dans ce film à une scène bouleversante, horrifiante. Si le personnage n'était pas dans la retenue mais était quelqu'un d'extraverti, cela n'aurait pas autant choqué car cela aurait été plus prévisible, les deux caractères n'auraient pas été trop en contradiction. Ici c'est le cas, et c'est ça qui est beau.
En dernière partie, la tension redescend vertigineusement. Chute de rythme car on ne sait plus trop où on va, le spectateur attend la décision des personnages. Les policiers sont là pour justement faire accoucher les personnages de leur volonté. Et c'est le moment choisi par Chabrol pour explorer jusqu'au bout son thème de l'hypocrisie. Et cela termine sur un dernier plan magnifique. On parle souvent du dernier plan des "400 coups" à cause de ce que cela implique formellement. Ici, ce dernier plan de Bouquet (qui n'est peut-être pas le dernier du film) est bien plus fort, car il est narratif. L'expérimentation esthétique, j'aime beaucoup, mais rien ne me passionne plus que la narration. Et ce plan indique tout de ce qu'est ce personnage. Une scène assez magique, muette et pourtant si forte.
Comme quoi on peut faire un film un peu Z car étrange, maladroit, moche, mal joué et pourtant toucher au plus profond. "La femme infidèle" est une oeuvre pas particulièrement subtile mais dont le réalisateur a su aller au bout de ses idées et utiliser ses personnages à bon escient. Une très belle découverte donc.