Deuxième film d'Hong Sang-soo sorti cette année et j'ai l'impression que plus ça va, plus HSS semble s'éloigner du marivaudage qui avait fait sa marque de fabrique. Ses films semblent s'épurer de tout artifice narratif. Je dis "semble" car finalement on a la même structure qui se répète trois fois, mais c'est fait tellement simplement et sans esbroufe qu'à aucun moment le scénario ne paraît mécanique. Ici on boit peu, on parle toujours beaucoup, mais les hommes sont quasiment absents et les rares moments où sont présents transpirent plus la gêne qu'autre chose. Le sujet c'est juste ça : des femmes qui parlent.


La Femme qui s'est enfuie est donc vraiment un film de femmes, on les écoute parler, de tout et de rien, de leur vie, de leur travail, de leur divorce et la beauté du film est là, dans ces conversations. Conversations qui ont systématiquement comme point de bascule un homme qui débarque et qui sème la zizanie. C'est comme si ces femmes pouvaient vivre sans homme.


C'est ce qui rend l'intervention masculine d'autant plus frustrante. Il n'a pas l'air de faire bien chaud dehors et voir ces femmes discuter ensemble dans un appartement bien aménagé ça a quelque chose de douillet... et pour parler avec ces hommes il faut sortir dans le froid... sortir de son petit confort agréable pour écouter quelque chose qui n'a pas vraiment de sens.


En effet, dans le film les hommes tiennent des discours abscons, on ne sait pas vraiment ce qu'ils veulent et ils viennent toujours troubler la quiétude.
C'est sans doute le film qui a un discours quasiment misandre le plus réussi que j'ai vu et que traite ça tout en subtilité et en finesse.


Et puis comme souvent chez HSS il y a un petit côté voyeur. Comme dans Hotel by the river on voit Kim Min-hee observer, être un peu passive, voir les événements, ne pas forcément chercher à influer sur eux... HSS va filer sa métaphore du spectateur de cinéma jusqu'à la montrer en train de regarder ses amies sur des écrans de vidéo surveillance.


Alors si je dois dire que je préfère lorsque HSS nous montre du marivaudage super gênant avec des personnages beaucoup trop maladroits pour qu'on n'ait pas envie de se cacher les yeux, sans doute car il me touche plus, cette Femme qui s'est enfuie reste néanmoins un film assez délicieux qui se savoure, tous comme ces femmes savourent ces instants seules.

Moizi
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2020

Créée

le 20 déc. 2020

Critique lue 1.5K fois

21 j'aime

4 commentaires

Moizi

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

21
4

D'autres avis sur La Femme qui s’est enfuie

La Femme qui s’est enfuie
Pout
7

Coupable !

Et si la femme s’était enfuie parce qu’un homme était arrivé ? Et si cet homme, c’était moi. Là, à la mi-septembre, je venais de m’introduire dans une voie étroite aux nombreuses ramifications, celle...

Par

le 20 sept. 2020

11 j'aime

2

La Femme qui s’est enfuie
YasujiroRilke
7

Critique de La Femme qui s’est enfuie par Yasujirô Rilke

Autour du mont Inwang, Hong Sang-soo chorégraphie la danse éthérée de Gam-hee (Kim Min-hee), rendant visite à 3 de ses amies. Pour portraiturer, sans frénésie, l'épuisement des femmes devant la...

le 30 sept. 2020

6 j'aime

3

La Femme qui s’est enfuie
Vanbach
7

Une femme sous influence

On remarque inévitablement, non sans ironie, l'incroyable répétitivité du mécanisme Hong Sang-soo : structures arithmétiques, compositions géométriques, léger zoom, léger dézoom et enfin des...

le 4 oct. 2020

5 j'aime

Du même critique

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
Moizi
2

Vos larmes sont mon réconfort

Je ne comprends pas Disney... Quel est le projet ? Je veux dire, ils commencent avec un épisode VII dénué de tout intérêt, où on a enlevé toute la politique (parce qu'il ne faudrait surtout pas que...

le 21 déc. 2019

494 j'aime

48

Prenez le temps d'e-penser, tome 1
Moizi
1

L'infamie

Souvenez-vous Bruce nous avait cassé les couilles dans sa vidéo de présentation de son "livre", blabla si tu télécharges, comment je vis ? et autre pleurnicheries visant à te faire acheter son...

le 29 nov. 2015

305 j'aime

146

Le Génie lesbien
Moizi
1

Bon pour l'oubli

Voici l'autre grand livre « féministe » de la rentrée avec Moi les hommes je les déteste et tous les deux sont très mauvais. Celui la n'a même pas l'avantage d'être court, ça fait plus de 200 pages...

le 4 oct. 2020

246 j'aime

61