Les ailes du rêve

En dehors des aspects qui peuvent rebuter le cinéphile même aguerri devant le dernier long-métrage muet de Fritz Lang, d'une durée de presque 3 heures, ce film reste à voir pour le témoignage de son époque et la question philosophique naissante du voyage sur la Lune et le développement de l'astronautique. En effet, au crépuscule du XIXe sècle, le russe Tsiolkovski décrit la fusée à étage et les principes de propulsion à réaction, il deviendra à cet égard l'idole de l'Union soviétique. Au même moment l'américain Robert Goddard met au point les premières fusées volantes et verra le premier sputnik de son vivant. Entre ces deux-là, il y a Hermann Oberth qui a lu voyage dans la lune de Jules Verne (selon lui tout coordonnait sauf le coussin d'eau) et qui fut conseiller scientifique pour le film de Fritz Lang, il jettera les bases de l'astronautique moderne, d'ailleurs le cadet de ce groupe de scientifique sera un jeune de 18 ans nommé Wernher von Braun.

C'est là que réside l'intérêt de La Femme sur la Lune de Fritz Lang, on y voit toute la démesure du projet faramineux où les moyens ambitieux du film sont à l'image de la portée philosophique de cet accomplissement humain qu'est le voyage spatial : de sublimes images, des décors qui font honneur à ce que nous a habitué Lang que ce soit avec Metropolis ou les Nibelungens, une musique qui transporte et de beaux moments. Dommage que cela ne soit pas son film le plus commenté.

Il est intéressant d'ailleurs de noter que le film de Fritz Lang offre le premier compte à rebours de l'histoire, comme pour symboliquement annoncer l'étendu des enjeux futurs. Près d'un siècle après, l'aventure spatiale continue à une époque où Elon Musk souhaite remporter la Lune, et que la Chine souhaite y faire pousser des plantations de coton. Ce film témoigne de la soif insatiable et de la détermination invincible de se transporter. Besoin puéril ? Mais besoin quand même. Il semblerait que l'on puisse s'interroger sur cette part de la nature humaine souhaitant se transporter ailleurs, que ce soit sur d'autres continents ou sur d'autres planètes. L'inconnu ou l'au-delà est un défi et s'arracher à l’orbite terrestre semble être le plus fascinant.

Ce qui est frappant, c'est ce contraste entre la rationalité des moyens mis en oeuvre et de nos connaissances, et l’irrationalité des motivations à la base de ces recherches. La marche dans l'avenir est toujours irrationnelle, ce film en est une belle illustration.