Il est compliqué d’aborder une telle œuvre tant le message qu’elle véhicule est faussé par rapport à la vision de George Orwell dans le roman. Si le récit initial mettait capitalisme et communisme dans le même panier, la CIA (qui finance ce film) a jugé bon de modifier le final afin de créer une belle œuvre de propagande. Le régime de l’ennemi soviétique comme unique mal du monde, c’est fichtrement pratique. Et pourtant, certains éléments n’ont étrangement pas été tronqués, laissant le capitalisme se prendre quelques tacles sans que cela n’ait à priori dérangé le service de contre-espionnage.
Animal Farm voit les bestioles tutélaires se lancer dans une révolution contre leur maître humain afin de s’approprier les moyens de production et pouvoir ainsi récolter le fruit de leur labeur en toute égalité. Les grands principes, théoriquement immuables, sont écrits de lettres blanches sur la grange rouge. Tous les animaux sont égaux, un animal n’en tuera pas un autre… Une utopie qui ne dure qu’un temps, le porcin Napoleon organisant un putsch et saisissant le pouvoir, réécrivant par la même occasion les règles de la ferme. Toute tentative d’une société égalitaire semble vouée à l’échec de par la nature avide de ses individus. Le pouvoir corrompant naturellement ses détenteurs et ses envieux, une révolution systémique ne peut que mettre en place une nouvelle caste qui répétera les mêmes schémas que la précédente. Un fait inaliénable qui, à ma connaissance, se vérifie aussi loin que remonte l’Histoire humaine. Khaleesi dirait qu’il faut briser la roue, elle n'a pas tort. In fine, tous les animaux sont égaux, mais certains plus que d’autres.
Pourtant ce sont bien les hommes (capitalistes) qui viennent mettre les bâtons dans les roues de cette ferme qui tente de changer, en venant commercer avec les porcs (communistes soviétiques), empêchant par la même occasion toute expérience de communisme pur de voir le jour. Étrange que cette partie ci soit restée dans le produit final tant elle fait échos aux ingérences américaines dans les pays du sud.
Toujours est-il que Animal Farm est une fable efficace dans son discours, palliant la simplicité de ses dessins et de son animation par une mise en scène qui traduit littéralement la narration, et apporte donc du poids à la métaphore. Une pièce aussi intéressante par son ancrage dans son époque que par ce qu’elle laisse transparaître de l'œuvre originale. Tout ceci contre seulement 1h12 de votre temps, ce serait bête de se priver.