Elle n’a pas eu de chance, Mireille. Pourtant elle y croyait à son poète, au point de faire des bêtises pour lui, et même un peu de prison dont s’ensuivra une vie de bric et de broc. Quand elle revient dans sa maison familiale dans les Ardennes, après une très longue absence, elle retrouve ses souvenirs, sa sœur et le cerf qui n’est pas en marbre (il est en ciment) mais qui a tout de même une âme. Il brame parfois la nuit, et Mireille entend des voix, et elle voit passer un cowboy qui la regarde. Pour lutter contre l’ennui, elle suit le conseil du père Benoit et elle prend des locataires : un jeune peintre très doué ; un jardinier qui, le jour, plante les tulipes sur les ronds-points de Charleville-Mézières et la nuit s’habille en femme ; un cowboy qui en fait est un turc en exil. Et puis Fernando, le faux poète, et véritable plombier, pragmatique « ce n’est quand même pas la poésie qui aurait débouché tes canalisations ! ». Il faut le comprendre aussi, Fernando : il ne pouvait pas faire autrement, il l’aimait mais il n’avait pas les mots, alors il a pris ceux d’un autre pour la mettre dans son lit.
Pourquoi je vous raconte ça ? parce que « la fiancée du poète » de et avec Yolande Moreau m’a cueilli hier après-midi. Comme la lecture d’un poème de Rimbaud, la contemplation d’un tableau impressionniste ou bien encore une balade au bord de l’eau en début d’automne. Tout en douceur, comme le cours de la Meuse, tout en finesse, par petites touches gracieuses. Comme j’étais presque seul dans la salle, j’ai pu essuyer, tranquille, une larme furtive au coin de mes yeux à la fin du film. Parce que je dois bien vous le dire : moi aussi parfois, je crois que le cerf en ciment a une âme et qu'il brame la nuit.