LA FILLE DE L'EAU (Jean Renoir, FRA, 1925, 70min) :
« J’insiste sur le fait que je n’ai mis les pieds dans le cinéma que dans l’espoir de faire de ma femme une vedette » confessait humblement le réalisateur Jean Renoir. Rien de plus beau que de terminer le Festival Lumière 2018, par cette déclaration d’un artiste à sa femme. Pour Jane Fonda, lors de son discours, en français, lors de la remise du Prix Lumière 2018, « les deux choses les plus importantes dans la vie, c’est Lumière et l’amour !». Avec La Fille de l’eau, premier film de Jean Renoir en 1925 (après le film Catherine, montré uniquement en privé et sorti après remontage en 1927 sous le titre Une Vie sans joie), les deux sont réunis. Les multiples expérimentations de mise en scène viennent bousculer la trajectoire un peu convenue de Gudule, jeune fille de marinier devenue orpheline, qui vit sur une péniche spoliée de son héritage par un oncle violent. L’adage d’André Gide en tête, « en art, seule la forme compte », Renoir prouve d’entrée toute sa maîtrise de la grammaire cinématographique. Dès les premières scènes impressionnistes, où l’on retrouverait presque les tableaux de son père Auguste, le réalisateur se permet de fragmenter ses plans par des jeux de lumières radicaux. Le récit engendre certaines représentations naturalistes (incendie) pour déclencher ensuite, lors d’une magnifique séquence de rêves et de cauchemars de l’héroïne, un extraordinaire morceau de bravoure surréaliste. Pendant plusieurs minutes, l’œuvre atteint des sommets d’inventivités formelles hallucinantes (perspectives bouleversées, plans à l’envers…) pour mêler la femme et la nature. D’une modernité étourdissante, cette œuvre matrice s’avère surtout une ode à la beauté de sa muse Catherine Hessling, dont l’élégance et la gestuelle évoque une danseuse pantomime.