Perdrix, qui avait animé la Quinzaine 2019, ouvrait avec un certain panache la carrière d’Erwan Le Duc : sens du gag, poésie visuelle et personnage hauts en couleurs rythmaient une histoire familiale aussi cabossée qu’attendrissante. Son deuxième long métrage reprend clairement les mêmes ingrédients, en redistribuant certaines cartes. La famille y est toujours un peu atypique (ici, un père ayant élevé sa fille seul après le départ brutal de la mère lorsqu’elle était bébé), les personnages en proie à quelques angoisses face aux changements du temps qui passe, et l’espace quotidien un décor où se projette la fantaisie poétique. La mise en scène, qui joue volontiers de décadrage, accompagne ainsi des êtres un peu fantaisistes, que ce soit un père resté un peu trop dans l’enfance, ou une adolescente encore inquiète avant d’embrasser pleinement la liberté qui lui est offerte.
La première partie, qui fait la part belle aux personnages secondaires, renoue ainsi avec la vivacité de Perdrix : les trouvailles sont assez fines, que ce soit pour le soupirant de l’adolescente, préférant escalader la façade pour prouver sa bravoure tout en pratiquant l’amour courtois, l’agent immobilier esclave du grand capital ou les micro-séquences évoquant les mouvements contestataires des lycéens gérés avec le plus grand stoïcisme par la proviseure. Il en ira de même pour l’intervention de Noémie Lvovsky, qu’on retrouve toujours avec autant de plaisir, pour une séquence sur le greenwashing municipal.
Mais c’est là que le film montre ses limites : isolément, les fragments fonctionnent, mais le liant se fait attendre. L’histoire majeure patine (le conflit et la chute dans l’escalier, franchement gratuite), les temps morts fonctionnent mal et la poésie finit par s’éventer (toute l’hallucination dans l’hôpital). De revirements en quêtes inutiles, le récit se resserre sur un trio amputé sans qu’on comprenne vraiment pourquoi, avec une sorte de lourdeur psychanalytique quant à la nécessité de résoudre des problèmes que la première partie avait, en réalité, déjà dépassés. À son soupirant qui écrit un poème épique sur sa vie, l’adolescente avait opposé un verdict assez cinglant : « ça ne ressemble à rien ». Celui-ci aura néanmoins sa revanche en termes de leçon de vie, lorsqu’il lui assénera plus tard « le monde autour de toi n’est pas un décor ». Deux jugements sévères qui peuvent très bien s’appliquer au film lui-même, qui, malgré sa sincérité et son désir de bien faire, s’embourbe dans ses effets et sa ligne directrice incertaine.