LA FILLE DU 14 JUILLET : VENT DE LIBERTÉ & BOUFFÉE D’AIR FRAIS
Le premier long-métrage du scénariste/monteur/ingénieur du son/réalisateur Antonin Peretjatko a fait une entrée très remarquée cette année au Festival de Cannes, où il était en course pour la Caméra d’Or à la Quinzaine des réalisateurs, destinée à mettre en avant les œuvres de jeunes réalisateurs.
C’est un premier film, un film à petit budget, un film à 300 000€. Oui mais, loin des gros machins de Cannes, c’est une bouffée d’air frais, une ode à la liberté, une invitation à s’aimer et un voyage au pays du burlesque qui est le bienvenu en ces temps maussades de crise économique et d’été qui n’arrive jamais. La Fille du 14 Juillet c’est Truquette (Vimala Pons), une jeune et jolie brunette au charme insouciant qui n’est pas sans rappeler la sublime Anna Karina époque Godard. Truquette vient d’obtenir son diplôme universitaire, mais parce que le pays est en crise, elle ne parvient pas à trouver un emploi. Après un passage, qui s’avère non concluant, par « Génération intérim » (un nom comme celui-là ça ne s’invente pas et en effet, Peretjatko nous le confirme, cette agence existe vraiment à Paris, ndlr), elle décide de partir en vacances au bord de la mer avec sa copine Charlotte (Marie-Lorna Vaconsin). Oui mais, ce que Truquette ignore, c’est que, le 14 juillet, son petit jeu de cache-cache derrière une statue grecque sans tête au musée du Louvre a marché puisque Hector (Grégoire Tachnakian), un des gardiens du musée, est tombé éperdument amoureux d’elle à l’instant même où il l’a vue apparaître dans la pièce. S’en suit un road-movie où Hector, aidé de son ami Pator (Vincent Macaigne) va retrouver, perdre, retrouver et reperdre Truquette quelque part entre Paris et les bords de mer.
Antonin Peretjako ne s’en cache pas, ce film est clairement politisé. Il s’ouvre sur des images documentaires du défilé du 14 juillet, filmées par lui-même et en 22.5 images par seconde, donc en accéléré, provoquant d’emblée l’amusement de la salle. En ce 14 juillet donc, Truquette ère place de l’Etoile, vendant à qui veut bien lui acheter le journal La Commune ; scène qui n’est pas sans rappeler celle du film A bout de souffle dans lequel Jean Seberg vend à la crié le Herald Tribune sur les Champs-Elysées. Le défilé militaire, l’appel à la révolution, parce que dans son panier Truquette vend aussi des guillotines miniatures, voilà qui annonce d’emblée la couleur du film. Et en effet, nos jeunes diplômés, ne trouvant pas de boulot, décident de quitter Paris pour aller voir la mer. Mais voilà que l’Etat, qui les a délaissés jusqu’ici, décide de les rappeler au boulot le 1er août en avançant la rentrée d’un mois. Puisqu’on ne récolte que ce que l’on sème, nos jeunes vacanciers sont bien décidés à rejoindre la côte coûte que coûte, quitte à aller contre l’opinion conservatrice, dévier les barrages de police et affronter les gardes champêtres ayant reçu l’ordre de chasser les touristes.
Une pincée de politique certes, mais aussi et surtout une bonne dose d’humour. Canulars, chutes à retardement, jeux de mots, rébus visuels, contrepoints sonores s’enchainent l’un après l’autre tout au long du film. Cela on le doit à deux choses : tout d’abord, les acteurs l’avouent volontiers, ce sont des situationnistes. Soulignons à ce propos la très bonne performance de Philippe Gouin dans le rôle de Marcello, personnage burlesque particulièrement drôle. A cela s’ajoute la manière unique qu’a Peretjatko de faire dérailler ses scènes et de sombrer brutalement dans le burlesque. On se souviendra longtemps de cette scène totalement absurde où, nos jeunes vacanciers, invités à dîner chez le docteur Placenta (Serge Trinquecoste), se voient servir de la soupe de cheval dans des assiettes percées. Loin des codes des comédies françaises contemporaines, La Fille du 14 juillet réinvente totalement la comédie burlesque, même si cela n’est pas sans rappeler les films d’un Max Pécas ou d’un Jean Girault.
Même si Peretjako ne veut l’avouer, on ne peut s’empêcher de voir dans La Fille du 14 juillet tout un tas de références au cinéma de la Nouvelle Vague. Certes, d’un point de vue technique, filmer en 16mm et en 22 images/secondes donne à l’écran un rendu que l’on n’est plus habitué à voir aujourd’hui. Mais au-delà de ça, on est bien ici dans un film ancré dans le contexte historique de notre époque, un film relatant les mouvements de notre société, un film qui souffle le vent de la liberté.